Medjugorje : Réponses aux objections — Chapitre X
Daria Klanac, Medjugorje : réponses aux objections, Le Sarment, Paris, 2012, 2e éd. (1re éd. 2001, ISBN 2-866-79322-6), chapitre x, pages 99 à 108.
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La conférence épiscopale de l’ex-Yougoslavie s’est prononcée en 1991. Voici son jugement : « Il n’a pas été possible jusqu’à présent d’établir qu’il existait du surnaturel. »[45]
L’auteur de la citation ci-dessus, comme tant d’autres, n’ont retenu de la Déclaration que ce trop bref passage, sans tenir compte du sens que l’épiscopat de l’ex-Yougoslavie lui a donné.
La déclaration de la Conférence épiscopale qui, en [p. 100]1991, s’est prononcée sur Medjugorje, n’a pas été improvisée. Les évêques croates ont longuement discuté des événements. Les discussions du 16 septembre 1987 portaient sur Medjugorje. Elles permettent de mieux comprendre la déclaration ultérieure de la Conférence épiscopale. Voici le texte qui en a été rendu public :
1. À Medjugorje, il faut distinguer les pèlerinages, devenus un phénomène mondial car les pèlerins affluent de plus en plus nombreux de tous les continents, de ce qu’on appelle « visions » de la Vierge, « locutions », et transmission des messages de la Vierge.
2. Ainsi, on ne peut plus ignorer ces nombreux pèlerinages en abandonnant les fidèles à eux-mêmes, mais il est nécessaire que les prêtres assistent spirituellement ces pèlerins, qu’ils se mettent à leur service pour les confessions, pour la prédication de la Parole de Dieu dans leur propre langue, et pour la célébration de la messe aussi dans leur propre langue.
3. Pour ce qui touche aux recherches scientifiques de différents experts d’ici et d’ailleurs, particulièrement de la nouvelle Commission officielle nommée par la Conférence épiscopale de Yougoslavie selon les directives du Saint-Siège, nous devons être patients et laisser à ces recherches entière liberté. Tant que la nouvelle Commission désignée par la Conférence épiscopale de Yougoslavie n’apporte pas son opinion officielle sur le caractère surnaturel en termes de constat de supernaturalitate ou constat de non supernaturalitate, sur les visions et messages mentionnés, jusque-là, aucun évêque de la Conférence épiscopale de Yougoslavie ne peut donner son jugement officiel sur ces événements, car il n’aurait pas de valeur officielle ni obligatoire. C’est seulement lorsque la nouvelle Commission [p. 101]aura apporté son jugement et que ce jugement aura été confirmé par la Conférence épiscopale de Yougoslavie et le Saint-Siège, que ce jugement, soit négatif, soit positif, aura valeur officielle et que tout catholique sera tenu de le respecter dans sa conscience.
4. La Conférence épiscopale de Yougoslavie, à un certain moment, interdit uniquement les pèlerinages « officiels », et non pas privés ou organisés de façon privée.
5. On n’est cependant pas tenu de croire en ces événements par l’acte de foi tant que l’Église n’aura pas prononcé son jugement final. C’est pourquoi, tous ceux qui vont à Medjugorje, doivent y aller avec la décision ferme de se soumettre au jugement définitif de l’Église. En attendant, chacun peut avoir son opinion mais pas la foi en ces événements.
Cet examen sérieux et responsable de la Conférence épiscopale de Yougoslavie prépare déjà ce qui suit.
Voici le texte intégral de la Déclaration de Zadar, publiée dans La Voix du Concile, journal officiel de l’Église croate.
Déclaration de la conférence épiscopale
de Yougoslavie sur Medjugorje
Lors de l’assemblée régulière de la Conférence épiscopale de Yougoslavie, du 9 au 11 avril 1991, à Zadar, la déclaration suivante a été adoptée :
Les évêques, depuis le début, suivent les événements de Medjugorje à travers l’évêque diocésain, la Commission des évêques et la Commission de la Conférence épiscopale de la Yougoslavie pour Medjugorje.
[p. 102]Sur la base des recherches effectuées jusqu’à présent, il n’est pas possible d’affirmer le caractère surnaturel de ces apparitions ou révélations.
Cependant, de nombreux rassemblements de fidèles en provenance de diverses parties du monde qui viennent à Medjugorje, animés par des motifs de foi ou autres, requièrent l’attention et la préoccupation pastorale en premier lieu de l’évêque local et, avec lui, de tous les autres évêques, pour promouvoir à Medjugorje, et tout ce qui le concerne, une saine piété envers la Bienheureuse Vierge Marie, conformément à l’enseignement de l’Église.
À cet effet, les évêques vont émettre des directives liturgiques et pastorales appropriées. Également, à travers leurs propres commissions, ils continueront à enquêter et à suivre les événements de Medjugorje dans leur ensemble.
Les évêques de Yougoslavie,
À Zadar, 10 avril 1991.
C’est donc dix ans après le début des apparitions (24 juin 1981) que la Conférence épiscopale de la Yougoslavie publie pour la première fois une Déclaration dans laquelle il n’y a pas, de fait, un jugement, mais plutôt une suspense de jugement. Cette Déclaration doit être interprétée dans son ensemble, en cinq volets :
1. Les évêques suivent les événements depuis le début.
2. Ils ne portent pas de jugement définitif sur leur caractère surnaturel ou non.
3. Ils font le constat des rassemblements importants de fidèles en ce lieu, et manifestent à cet égard un souci pastoral.
4. Ils s’engagent à suivre les événements dans leur ensemble.
[p. 103]5. Les pèlerinages privés ne sont pas interdits et l’accompagnement des fidèles est considéré comme un devoir pastoral.
Un commentaire, publié dans ce même numéro de La Voix du Concile, met en lumière les perspectives de la Déclaration de Zadar :
La plus récente déclaration des évêques catholiques du territoire de la Yougoslavie à propos de Medjugorje est un exemple classique de la sagesse de l’Église prouvée par une pratique millénaire. On y démontre que l’Église respecte surtout les faits, qu’elle mesure prudemment ses compétences et qu’elle a par-dessus tout le souci du bien spirituel des fidèles. Le fait est connu du monde entier : à cause de la nouvelle des apparitions de la Vierge depuis déjà toute une décennie, les croyants et les curieux affluent de tous les continents vers Medjugorje. Est-ce un fait que la Mère de Dieu y apparaît et donne des messages ? Les évêques observent attentivement et, dans le cadre de leurs compétences, ils déclarent que : « sur la base des recherches effectuées jusqu’à présent, il n’est pas possible d’affirmer… »
Le contenu et le sens de cette déclaration doivent être examinés sous deux aspects. En premier lieu, il faut, dans ce cas, prendre en considération le fait que le contenu de telles possibles apparitions privées n’ajoute rien au contenu révélé et obligatoire de la foi. Par conséquent, ni les évêques ni le Pape lui-même n’ont l’autorité de conclure de façon infaillible que la Vierge aurait pu effectivement apparaître en quelque lieu. Ils n’ont pas non plus le pouvoir d’ordonner aux fidèles d’y [p. 104]croire. Le Magistère de l’Église, dans les conditions qu’on connaît, est infaillible uniquement lorsqu’il établit ce que dit ou ne dit pas la Révélation que l’Église a reçue jusqu’à la fin du temps des Apôtres, et qui est gardée dans la Bible et la Tradition. Ce qu’on ne trouve ni dans la Bible ni dans la Tradition, le Magistère ne peut le proclamer comme étant l’enseignement de la foi, ni objet de foi obligatoire. Par conséquent, ceux qui ignorent cette donnée peuvent s’attendre à ce que les évêques résolvent ainsi les questions touchant les apparitions de Medjugorje pour nous dire quoi croire ou ne pas croire.
Pourquoi alors font-ils d’attentives recherches sur ce phénomène ? Parce qu’ils se doivent d’établir si ce qui se passe là-bas et ce qu’on y annonce est en conformité avec la totalité des vérités de la foi et de l’enseignement de la morale. S’ils établissent qu’il n’y a pas de contradiction et que ce phénomène et son message concordent avec l’enseignement et la morale de l’Église catholique, ils peuvent alors, en tant que responsables de l’Église, déclarer qu’il n’y a pas d’empêchement aux rassemblements des fidèles en ce lieu, ni d’entrave à la croissance spirituelle en rapport avec ces messages. Dans le cas contraire, leur devoir serait de dévoiler les erreurs et arrêter les abus. Le texte de la Déclaration de Zadar à ce propos démontre que les recherches en ce sens durent toujours.
Or, le point majeur du texte de cette Déclaration montre que nos évêques se rendent compte avant tout du fait qu’un grand nombre de fidèles ou de curieux se rassemblent à Medjugorje. Ils considèrent qu’il est de leur devoir de pourvoir à ce que cette multitude de gens rassemblés reçoive là l’annonce de la vraie foi, de la vraie catéchèse, qu’on y administre les Saints Sacrements dans la vérité et la dignité, et à ce que la piété mariale particulière de Medjugorje évolue en harmonie [p. 105]avec l’orthodoxie chrétienne. Cette position est la véritable nouveauté de ce document. En effet, comme le document lui-même le dit, il faut s’attendre à ce que soient émises des directives pastorales et liturgiques adaptées aux grands pèlerinages à Medjugorje. Ainsi se réalise une ancienne proposition, déjà évoquée dans La Voix du Concile, de répartir le travail des évêques en deux commissions : l’une pour continuer d’examiner s’il s’agit, oui ou non, d’apparitions ou révélations surnaturelles, l’autre pour veiller à la saine et authentique liturgie lors des rassemblements à Medjugorje. Il est tout à fait possible, en effet, que la première commission examine encore longtemps les faits, qu’elle décide même de ne pas publier d’avis final, alors que, par ailleurs, le souci pastoral à l’égard des rassemblements ne peut être différé puisqu’ils continuent toujours et s’amplifient. Cette Déclaration va véritablement soulager la conscience de nombreux dévots du monde entier. Ceux qui, animés par des motifs de foi, vont à Medjugorje, savent désormais que ces rassemblements relèvent de la sollicitude pastorale régulière et de la responsabilité des successeurs des Apôtres.
Il est sans doute utile d’ajouter que le Vatican considère toujours cette Déclaration comme valide et qu’il garde la prudence et la pondération qui s’imposent dans de tels événements. En témoigne cette lettre, datée du 26 mai 1998, de Mgr Tarcisio Bertone, secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi présidée par le cardinal Ratzinger, en réponse à celle de Mgr Gilbert Aubry, évêque de Saint-Denis de la Réunion. Mgr Bertone écrivait :
[…] Ce Dicastère […] s’en tient simplement à ce qui a été établi par les évêques de l’ex-Yougoslavie dans la déclaration [p. 106]de Zadar du 10 avril 1991 : « Sur la base des recherches effectuées jusqu’à présent, il n’est pas possible d’affirmer le caractère surnaturel de ces apparitions ou révélations. »
[…] Ce que S. É. Mgr Perić a affirmé dans une lettre au Secrétaire Général de Famille Chrétienne, dans laquelle il a déclaré : « … ma conviction et position n’est pas seulement “non constat de supernaturalitate” mais également celle de “constat de non supernaturalitate” des apparitions ou révélations de Medjugorje », doit être considéré comme l’expression d’une conviction personnelle de l’évêque de Mostar, lequel, en tant qu’Ordinaire du lieu, a toujours le droit d’exprimer ce qui est, et demeure, un avis qui lui est personnel.
En ce qui concerne enfin les pèlerinages à Medjugorje qui se déroulent de manière privée, cette Congrégation retient qu’ils sont permis à condition qu’ils ne soient pas considérés comme une authentification d’événements en cours et qui demandent encore un examen par l’Église.
À son tour le cardinal Christoph Schönborn, interviewé à Lourdes le 18 juillet 1998, disait :
La lettre que l’archevêque Bertone a envoyée à l’évêque de la Réunion éclaircit d’une manière réjouissante ce qui a été pendant ces dernières années l’attitude officielle de la hiérarchie de l’Église concernant Medjugorje. C’est-à-dire que le sujet a été consciemment gardé ouvert. Quand la formule de la Conférence des évêques yougoslaves (en 1991 à Zadar) stipule que « le caractère surnaturel n’est pas établi », il est évident que la formulation reste sans engagement. Il n’a pas été dit que le caractère surnaturel est solidement établi, donc prouvé ou démontré. Il n’a pas été nié ni exclu non plus que les phénomènes pourraient avoir un caractère surnaturel. Il est certain que l’institution de l’Église ne se prononcera pas définitivement à ce [p. 107]sujet aussi longtemps que durent les phénomènes extraordinaires, sous la forme des apparitions ou d’autres. Mais le devoir des bergers est de favoriser ce qui germe, pousse et se transforme en fruits et de le protéger des dangers qui existent naturellement partout. Même à Lourdes il faut veiller à ce que le don d’origine ne s’enlise pas dans des développements erronés. Medjugorje n’est certainement pas à l’abri de cela. Dans cette perspective, il est et serait si important que les évêques prennent conscience de leur devoir de bergers envers Medjugorje pour protéger les fruits déjà récoltés et les sauvegarder des éventuelles déviations.
Ces sages paroles nous aident à mieux comprendre le sens des déclarations émises tant par la Conférence épiscopale de l’ex-Yougoslavie que par le Vatican. Le 15 août 1993, le cardinal Kuharić apporta encore des précisions, publiées dans La Voix du Concile :
Après trois ans de recherches poursuivies par la Commission, Nous, évêques, acceptons Medjugorje comme lieu de prière, comme sanctuaire. Cela signifie que nous n’avons rien contre le fait qu’on y vénère la Sainte Vierge en conformité avec la foi et en accord avec l’enseignement de l’Église… Nous laissons donc l’étude suivre son cours, l’Église n’est pas pressée.
Le 21 août 1986, le Vatican, par son porte-parole Joaquín Navarro-Valls, avait déclaré à l’agence Catholic News Service :
Vous ne pouvez pas dire aux gens qu’ils ne peuvent pas aller à Medjugorje, à moins que les apparitions aient été [p. 108]prouvées fausses. Cela n’a pas été déclaré, chacun peut donc s’y rendre s’il le désire.
De toutes ces déclarations, concordantes, il se dégage :
1. Que les pèlerinages privés ne sont pas interdits.
2. Qu’on encourage les prêtres à accompagner les groupes de pèlerins.
3. Qu’aucun jugement définitif n’a été porté sur les apparitions.
Par conséquent, les fidèles ne se placent pas en situation de désobéissance en se rendant à Medjugorje pour y prier.
Dans son livre La dernière voyante de Fatima publié aux éditions Rai Eri en 2007, le cardinal Tarcisio Bertone, en parlant de Medjugorje (p. 103-107) reconfirme cette position de l’Église de Rome.
45. Entretien, Mgr Henri Brincard, La Croix, 21 janvier 2000. [↩]