Comprendre Medjugorje : Regard historique et théologique — Entretien avec le théologien Arnaud Dumouch

C’est une Maman

Daria Klanac, Comprendre Medjugorje : Regard historique et théologique, avec la collaboration du théologien Arnaud Dumouch, Informativni centar Mir, Medjugorje, en coédition avec les Éditions Sakramento, Paris, 2012, 2e éd. (1re éd. 2008, ISBN 978-2-915380-19-4 & 978-9958-36017-6), entretien avec le théologien Arnaud Dumouch, pages 207 à 208.
English Translation : Such is a true Mother
 

 

[p. 207] 

C’est une Maman

Statue de Marie, Reine de la Paix, dans l’Église de Tihaljina près de Medjugorje.
Statue de Marie, Reine de la Paix, dans l’Église de Tihaljina près de Medjugorje.

Daria Klanac : À quelques reprises, lorsque les enfants n’étaient pas ensemble à l’apparition, la Vierge s’est informée sur ceux qui manquaient: « Où est cet autre garçon ? » – « Où sont les quatre autres ? » On s’étonne de ces questions, car on prétend que la Vierge sait tout.

Arnaud Dumouch : À Fatima, Marie fit de même lors d’une apparition où l’une des enfants, Lucie, retenue, arriva en retard. La réponse est claire: lorsque le Ciel vient sur terre, il adapte son langage au langage humain. Aussi Marie pose des questions pour obtenir des enfants qu’elle écoute les réponses qu’elle connaît. C’est un peu la même objection que posent certains pour critiquer la légitimité de la prière: « Pourquoi faire des prières de demandes à Dieu puisque le Ciel sait tout ? » Parce que le Ciel aime nous donner ce que nous demandons et nous éduquer à l’action de grâce pour les dons.

D. Klanac : La Vierge s’adresse aux voyants de Medjugorje comme une maman: « Chers enfants, mes petits enfants ». Il y en a qui trouvent cela enfantin de la part de la Vierge. Quasiment indigne de la Mère de Dieu qui s’abaisse au niveau des enfants.

A. Dumouch : C’est tout sauf un argument valable. C’est même un argument assez terrible pour ce qu’il révèle de l’âme de ceux qui le formulent et qui oublient la lettre même des Évangiles (Mt 11, 25): « En ce temps-là, Jésus prit la parole et dit: “Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir.” » Il faut avoir dans l’idée que la Royauté de Marie scandalise aussi Lucifer pour la simple raison qu’elle est toute petite. « Dieu ne peut donner le pouvoir sur l’univers à des créatures si peu rationnelles », dit-il.

Il faudrait, dans ce cas, accuser l’Apôtre saint Jean d’indignité (1 Jn 2, 1): « Petits enfants, je vous écris ceci pour que vous ne péchiez pas. Mais si quelqu’un vient à pécher, nous avons comme avocat auprès du Père, Jésus Christ, le Juste. »

[p. 208]D. Klanac : D’autres sont surpris par la phrase avec laquelle elle termine chaque message: « Merci d’avoir répondu à mon appel. »

A. Dumouch : Elle indique que la foi en Dieu (et donc en ceux qui sont un, par l’amour, avec Dieu, à savoir ses saints) est bien une vocation, un appel, que Dieu soutient de sa grâce, mais auquel l’homme répond librement.

Dieu porte donc les personnes par sa grâce, mais leur laisse la liberté de répondre. Saint Thomas appelle cette réponse de l’amour à l’Amour du nom de « mérite », en ce sens que Dieu et le Ciel reconnaissent un vrai mérite à celui qui, porté par la grâce, répond positivement.

D. Klanac : Concrètement, comment est Marie ?

A. Dumouch : On l’imagine grande, la Reine du Ciel, celle qui donne des ordres aux anges. On s’attend à rencontrer l’Impératrice. En vérité, elle est vraiment petite, simple, et même enfantine. Elle a le regard limpide de ceux qui ont beaucoup aimé et beaucoup souffert. Quand on la voit pour la première fois, on est frappé du fait qu’il n’y a rien d’extraordinaire. Mais elle est présente à nous-mêmes plus que nous ne le sommes nous-mêmes. On voit aussi qu’elle est morte d’une grande solitude intérieure, en l’absence de Jésus après son Ascension et malgré sa présence dans l’Eucharistie. C’est frappant au point que ceux qui ont souffert seuls, se sentent immédiatement compris. En la voyant, on a souvent la même réaction que la Supérieure de sainte Bernadette lorsqu’elle la vit pour la première fois: « Ce n’est que ça, Bernadette ? »

Et aussitôt, on est pris d’un tremblement: « Si Dieu l’a choisie, et lui a tout confié, dans une confiance totale, au point qu’elle préside à l’application des grâces sur l’humanité, comme je dois être loin de Dieu. » On se sent alors rougissant, ayant eu une première réaction rappelant étrangement celle de Lucifer lorsqu’il s’est révolté contre le grand projet du Dieu qui élève les humbles.

D. Klanac : À l’exemple de Marie, Monsieur Dumouch, je vous remercie de cet entretien.

 

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