Medjugorje : Réponses aux objections — Chapitre III

Les « créateurs » de Medjugorje

Daria Klanac, Medjugorje : réponses aux objections, Le Sarment, Paris, 2012, 2e éd. (1re éd. 2001, ISBN 2-866-79322-6), chapitre iii, pages 45 à 54.

Pages liées

Histoire des apparitions
Père Tomislav Vlašić
 

 

[p. 45] 

CHAPITRE III

Les « créateurs » de Medjugorje

Objection

Dès leur début, les événements de Medjugorje se trouvent entre les mains des charismatiques : Fr. Zovko, Fr. Tomislav Vlašić et d’autres.[19]

Le créateur de Medjugorje, le P. Tomislav Vlašić,…

Mgr Žanić : « Au commencement, je suis sûr que les messages étaient composés par le P. Vlašić; mais après quelque temps, les voyants étaient capables par eux-mêmes… »[20]

[p. 46]Réponse

Absents de Medjugorje

Le P. Tomislav Vlašić, franciscain, était l’un de ces prêtres croates favorables au mouvement charismatique jusque-là inconnu dans la région d’Herzégovine et peu répandu encore aujourd’hui. On peut aussi y associer le P. Jozo Zovko, curé à Medjugorje dans les premiers jours des apparitions. Or ni l’un ni l’autre n’étaient présents les trois premiers jours des apparitions à Medjugorje.

Le père Jozo Zovko.
Le père Jozo Zovko.

Le P. Jozo, absent de la paroisse, ne rentra que le 27 juin 1981. Le 17 août, soit moins de deux mois plus tard, il fut emprisonné. À sa sortie de prison, le 17 février 1983, soit dix-huit mois plus tard, il fit de brefs séjours dans deux paroisses d’Herzégovine avant d’être affecté à la paroisse de Tihaljina, puis à Široki Brijeg où il réside à ce jour. Tant à Tihaljina qu’à Široki Brijeg, il donnait des retraites et des conférences à la demande des pèlerins. Quant au P. Tomislav, il n’arriva à Medjugorje qu’en août 1981, lorsque ses supérieurs lui demandèrent de remplacer le P. Jozo qui venait d’être arrêté. Le P. Tomislav était jusque-là affecté à la paroisse de Čapljina, à treize kilomètres de Medjugorje. Le P. Tomislav quitta Medjugorje en septembre 1984, et fut transféré à la paroisse de Vitina. Il y demeura jusqu’à son départ pour l’Italie, en 1986.

En 1981, le P. Jozo, curé depuis peu, ne connaissait pas bien les voyants. Quant au P. Tomislav, il ne les connaissait pas du tout. Dès que la nouvelle des apparitions [p. 47]est arrivée à Čapljina, le P. Tomislav a manifesté le désir d’inviter les voyants chez lui, à son couvent. « Un certain Tomislav s’informe de nous, nous invite chez lui; mais à quoi bon ? »[21] dit Vicka, confirmant bien par là que ce prêtre lui était inconnu et que cela ne l’intéressait pas de courir chez lui.

Malgré ces faits, les deux pères ont été soupçonnés par l’évêque Žanić d’être les « créateurs » de Medjugorje, inventant les messages et fabriquant les apparitions. Il existe un récit authentique et extraordinaire des apparitions, à partir des interrogatoires du P. Zovko avec les voyants[22], et je ne vois pas comment quiconque aurait pu l’inventer. Quand on lit ce récit avec l’esprit ouvert et sans préjugé, on a en effet la forte impression que personne n’aurait pu inventer les apparitions ni manipuler les enfants, tant leur récit est cohérent.

Lors de l’interrogatoire des voyants, le P. Jozo s’était montré impitoyable en essayant de confondre les enfants de façon plutôt maladroite. Cela joua en sa faveur. L’opinion émise dès le début par l’évêque de Mostar lui-même, était favorable :

Que pouvons-nous dire de ce qui advient à Bijakovići ? Un fait est certain : les enfants ne sont poussés par personne, encore moins par l’Église, à des déclarations mensongères. Pour le moment, tout nous conduit à la conviction que les enfants ne mentent pas.[23]

[p. 48]L’évêque prit même la défense des franciscains et des voyants, comme le rapporte le journal Večernji List du 18 août 1981 :

Comme évêque catholique, et Ordinaire responsable de l’évêché de Mostar, je regrette moi-même, avec mes prêtres mis en cause, ces calomnies irresponsables et les attaques dont le mauvais goût ne peut pas aider à voir sereinement les événements survenus dans la paroisse de Medjugorje. Par de tels procédés, on offense les droits fondamentaux de l’homme et du citoyen.[24]

Si cette opinion était valable à ce moment-là, comment pouvait-elle ne plus l’être par la suite ? La manière dont on accusa les deux pères de « créer » Medjugorje est non seulement inhabituelle, mais aussi sans valeur dans les critères du discernement des esprits.

Diffamation

« Il n’est permis à personne de porter atteinte d’une manière illégitime à la bonne réputation d’autrui… » (Code de droit canonique, canon 220.)

« … qui… porte atteinte à la bonne réputation d’autrui, peut être puni d’une juste peine… » (Ibid. 1390.)

[p. 49]J’ai eu l’occasion d’aller chez Mgr Žanić avec M. l’abbé René Laurentin et deux prêtres de Montréal. Entre l’abbé Laurentin et l’évêque, la conversation a mal tourné et l’abbé s’est tout simplement retiré. Je suis restée avec les deux prêtres. Entre l’évêque et moi la conversation s’est déroulée principalement en croate. L’évêque m’a fait passer dans son bureau, au deuxième étage de l’évêché, très bien aménagé mais malheureusement endommagé depuis par la guerre. Là, il m’a lu et montré quelques extraits de deux lettres écrites sur un espace de plusieurs années, soi-disant par la même personne, en l’occurrence une ex-religieuse qui aurait eu un enfant avec le P. Tomislav Vlašić. J’ai souligné le fait que l’écriture n’était pas la même dans les deux lettres, alors que généralement une personne garde sensiblement la même écriture toute sa vie. On peut reconnaître une personne à son écriture. Ces deux lettres constituaient la seule preuve — rendue irrecevable par la différence d’écriture — d’une telle accusation.

Je ne pensais pas devoir exposer publiquement ce que j’ai personnellement entendue de la bouche de l’évêque Žanić au sujet du P. Vlašić et du P. Zovko. Quoique cela me soit très pénible, je ne fais que répéter ce que l’Ordinaire de Mostar a déjà rendu public de diverses manières. La diffusion à travers le monde, de doutes, de calomnies et de désinformation aux dépens des franciscains de la province de Mostar a provoqué une réaction de la communauté ainsi que de nombreux fervents de Marie, Reine de la Paix.

Le P. Ivan Dugandžić, docteur en théologie et professeur à Zagreb, ex-membre de la première Commission [p. 50]épiscopale chargée d’enquêter sur Medjugorje, a pris cette affaire en main avec beaucoup de sérieux. Il s’est tout d’abord adressé à cette ex-religieuse, dans une lettre datée du 6 décembre 1985, où il la priait de répondre à quelques questions :

1. Qu’est-ce qui t’a incitée à écrire à l’évêque au moment justement où ont lieu les apparitions à Medjugorje où le P. Tomislav a œuvré quelque temps ?

2. Quant à la question de subvenir aux besoins de cet enfant, c’est surprenant que tu écrives à l’évêque plutôt qu’au provincial. En tant qu’ex-religieuse, tu sais certainement qu’un religieux relève de son provincial et non de l’évêque. Pourquoi alors une lettre à l’évêque plutôt qu’au provincial ?

3. L’évêque Žanić nous a aussi montré les photocopies de quelques lettres que Tomislav t’avait adressées. Ces photocopies, l’évêque les a reçues du cardinal Ratzinger, de Rome, à qui elles avaient été envoyées par le vieil Otto (ce M. Otto vivait chez cette dame qui prenait soin de lui).

Dans sa lettre du 28 décembre 1985, la dame en question répondait au P. Ivan Dugandžić, en donnant l’explication suivante :

Révérend Père Ivan.

Voici, je réponds à la question que Monseigneur (Žanić) a soulevée contre moi lors d’une réunion de la Commission. Tout d’abord, je n’ai pas du tout écrit cette lettre montrée par l’évêque, supposément écrite en 1983. Lui-même sait qu’elle ne vient pas de moi car il est venu me voir, cet été, à S… pour me la montrer. Je lui ai dit : « Monseigneur, ce n’est pas ma lettre ni mon écriture. »

[p. 51]Nous en avons parlé en clair. Je lui ai dit : « Monseigneur, croyez-vous que ce n’est pas ma lettre ? » Il m’a répondu : « Je crois. » Et maintenant, il dit de nouveau qu’elle vient de moi. Il m’a dit aussi de ne rien dire à personne. Il a lui-même promis de n’en parler à personne. Cela me fait très mal de voir que l’évêque puisse répandre des mensonges contre moi. Je ne pouvais imaginer que cela puisse sortir de sa bouche. Dieu est mon témoin et je suis prête à jurer devant tout le monde, même devant la Croix, que je n’ai jamais dit ni écrit cela à personne. Je n’ai jamais non plus demandé de l’aide pour mon enfant et je n’en demanderai jamais. Je n’ai jamais dit non plus qui est le père de mon enfant. C’est mon affaire personnelle. Je ne désire en parler à personne et je ne permets pas non plus des racontars. Père Ivan, dites à Monseigneur encore une fois qu’il m’a blessée dans mon âme par ses paroles fausses. Quand j’ai entendu dire que mon « grand-père » (expression familière pour désigner le vieil Otto), que j’ai servi et respecté pendant neuf ans, a manigancé dans mon dos en écrivant des mensonges, cela m’a tellement atteinte que je n’ai rien pu faire d’autre que de le quitter immédiatement. Ces lettres qu’il a envoyées au cardinal Ratzinger, il a fait tout cela dans mon dos. Je n’étais au courant de rien. Je ne sais pas de quelles lettres il s’agit ni qui les a écrites. Comment croire un pauvre vieux de quatre-vingt-quinze ans qui répand de tels mensonges ? Il ne tient ni à l’Église ni au prêtre. Dites à l’évêque de vous montrer la lettre que je lui ai écrite le 26 novembre 1985 et dites-lui que je souffre dans mon âme de ce mensonge qui se répand contre moi dans le monde entier. Je terminerai avec cela et je demande pardon à tous ceux que j’aurais pu offenser, comme aussi je leur demande de me pardonner. J’envoie mes salutations à tous les membres de la Commission ainsi qu’à l’évêque.

[p. 52]S’ils veulent faire quelque chose pour moi, qu’ils prient pour moi. Je leur en serai très reconnaissante car c’est le plus important pour moi, et je ne demande rien d’autre.

Suite aux renseignements qu’il a obtenus, le P. Ivan Dugandžić a envoyé, le 29 janvier 1986, un rapport complet accompagné d’une lettre, à Mgr Žanić, au cardinal Ratzinger, au cardinal Kuharić de Zagreb, à l’archevêque Franić de Split, à la curie franciscaine à Rome, au provincial à Mostar, à Živko Kustić, rédacteur de La Voix du Concile, journal catholique croate très populaire, ainsi qu’à tous les membres de la Commission. Dans sa lettre, il dit notamment :

Père évêque. Le 28 novembre 1985, vous nous avez convoqués tous trois, de l’équipe pastorale de Medjugorje, le P. Tomislav Pervan, le P. Petar Ljubičić, et moi-même, et aussi sœur Janja Boras et les voyants… Ivan Dragićević, Marija Pavlović et Jakov Čolo… Nous avons été surpris et choqués lorsque, sans préalable et dans un style quasiment triomphal, vous avez déclaré avoir des preuves sur le fait que le P. Tomislav Vlašić aurait eu un enfant avec l’ex-religieuse N. en disant avoir reçu toute la documentation du cardinal Ratzinger à cet effet.

En tant que membre de la Commission, je vous ai tout de suite fait remarquer que ce cas, de toute façon, n’entre pas dans le domaine de l’étude sur le phénomène de Medjugorje. Ce que vous affirmez se serait produit en 1976 et le P. Tomislav n’est arrivé qu’en 1981. Parmi les critères de la Congrégation pour la doctrine de la foi pour discerner l’authenticité des apparitions, se trouve celui-ci : « Actus graviter immorales tempore vel occasione ipsius facti a subiecto necnon ab eius asseclis commissi  » (I,B,d) …

[p. 53]Ce qui m’a le plus déçu et profondément troublé,↩ c’est ce que vous m’avez répondu : « Quelqu’un doit périr : ou bien moi, ou bien Medjugorje. Je ne désire pas périr, et j’ai besoin de quelque chose pour me défendre. »… Le 12 décembre 1985, vous avez demandé au P. Tomislav, en visite chez vous, de signer une déclaration affirmant que c’est lui qui a habilement construit tous ces événements de Medjugorje, et qu’il n’y aurait là rien de surnaturel, sans quoi vous alliez faire connaître son cas au monde entier…

Je crois que ce que je viens de rendre public est suffisamment clair et triste. Plusieurs fois, cinq ou six fois, j’ai rendu visite à Mgr Žanić qui, je dois le reconnaître, m’a toujours reçue de bon gré. Lorsqu’une fois je suis allée le voir seule, dès mon arrivée, sans aucune introduction, il m’a dit : « Sais-tu la dernière nouvelle ? Le P. Jozo Zovko viole les femmes dans son église. » Je suis restée pétrifiée, sans parole. Je me suis dit en moi-même : c’est impensable que l’évêque local m’accueille par de tels propos sur l’un de ses prêtres. Encore une fois, une accusation hors de propos. Tout comme celle qui précède, elle est soumise à la même règle de discernement en usage à la Congrégation pour la doctrine de la foi.

Donc, quiconque va fouiller dans la vie privée des voyants et des autres adeptes du sanctuaire, quiconque fait des recherches et diffuse aux quatre vents leurs faiblesses réelles ou inventées, pour prouver par là la fausseté des apparitions, ne connaît évidemment pas la méthode et la praxis de l’Église et plus particulièrement ne craint pas Dieu qui défend non seulement la calomnie, mais aussi la diffamation. Divulguer les péchés d’autrui, réels ou tout [p. 54]simplement inventés, est un péché de diffamation qui peut être grave.[25]

C’est bien connu : tant le P. Jozo que le P. Tomislav ont donné le témoignage d’une vie exemplaire pendant toute la période où ils étaient en fonction à Medjugorje. Le P. Jozo a été considéré comme un martyr pour avoir été jugé et condamné malgré son innocence. Le P. Tomislav, de son côté, s’est montré un prêtre d’une profonde spiritualité. Leur conduite après leur départ ne relève plus de la paroisse de Medjugorje. S’ils parlent de Medjugorje, c’est de leur propre initiative et ils doivent en répondre eux-mêmes.

 

19. Mgr Pavao Žanić, La Position actuelle — non officielle — du Conseil épiscopal de Mostar au sujet des événements de Medjugorje, Mostar, 1984, p. 10. [↩]

20. Mgr Pavao Žanić, La Vérité sur Medjugorje, Mostar, 1990, § 13. [↩]

21. Transcription des audiocassettes, Aux sources de Medjugorje, pp. 67 à 192. [↩]

22. Ibid. [↩]

23. La Voix du Concile, Zagreb, 16 août 1981, p. 1. [↩]

24. René Laurentin, La Vierge apparaît-elle à Medjugorje, O.E.I.L., 1990, p. 78. [↩]

25. La Voix du Concile, 18 mars 1990. [↩]

 

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