Comprendre Medjugorje : Regard historique et théologique — Entretien avec le théologien Arnaud Dumouch

Le dossier des miracles

Daria Klanac, Comprendre Medjugorje : Regard historique et théologique, avec la collaboration du théologien Arnaud Dumouch, Informativni centar Mir, Medjugorje, en coédition avec les Éditions Sakramento, Paris, 2012, 2e éd. (1re éd. 2008, ISBN 978-2-915380-19-4 & 978-9958-36017-6), entretien avec le théologien Arnaud Dumouch, pages 155 à 161.
English Translation : Documentation relating to miracles
 

 

[p. 155] 

Le dossier des miracles

Daria Klanac : La paroisse de Medjugorje possède un dossier considérable sur les miracles de guérisons (475 cas déclarés). Les témoignages sont nombreux et [p. 156]publiés régulièrement dans la revue mensuelle Le Messager de la Paix. On dit, cependant, que le plus grand miracle de Medjugorje ce sont les conversions des cœurs. Qu’est-ce qui serait plus important, aurait plus de poids lors du jugement final ?

Arnaud Dumouch : Les conversions sont de l’ordre du second critère (fruits spirituels). Elles sont donc un critère essentiel. Mais elles ne suffisent pas en elles même: l’Esprit souffle où il veut.

C’est pourquoi le troisième critère (les miracles) est sans doute la clef finale de ce discernement: si vous trouvez à Medjugorje un ou deux miracles indiscutables (organe qui repousse, tumeur disparaissant instantanément, paraplégique – moelle épinière tranchée – qui marche), c’est que le doigt de Dieu est là.

Souvenez-vous de Jésus: il est dans la lutte. Des gens disent, comme à Medjugorje, qu’il vient du démon et qu’il guérit avec le démon puisqu’il suscite la division et dit des phrases ambiguës, alors il ressuscite Lazare. Et, à partir de ce jour, ce miracle étant attesté par les témoins venant du Sanhédrin, il ne peut plus y avoir de doute.

D. Klanac : Vous dites que le 3e critère de discernement, les miracles, est décisif pour reconnaître une apparition. Jésus en a fait. Tous n’ont pas cru. Il a été condamné.

A. Dumouch : C’est vrai. Mais dans ce cas (existence de vrais miracles et refus de croire), ceux qui condamnent sont sans excuse, car ils le font en connaissance de cause. C’est ce que montre le texte évangélique: après la résurrection de Lazare, qui fut vue par de nombreux notables du Temple, le Sanhédrin se réunit en secret et décide de tuer Jésus. Mais il décide aussi ceci (Jean 12, 10): « Les grands prêtres décidèrent de tuer aussi Lazare, parce que beaucoup de Juifs, à cause de lui, s’en allaient et croyaient en Jésus. » Manifestement, ils veulent tuer Jésus et Lazare, mais ils savent, de par leur science théologique, que Jésus vient de Dieu. Voilà pourquoi Jésus parle [p. 157]pour eux de « blasphème contre l’Esprit Saint », c’est-à-dire ici, en l’occurrence, d’un refus de croire malgré l’évidence.

L’Église demande donc, de manière canonique, des miracles pour reconnaître le doigt de Dieu. Et s’ils ont lieu, s’ils ne sont pas de simples prodiges paranormaux, l’Église reconnaît l’origine divine du phénomène.

D. Klanac : Voici quelques cas de miracle à Medjugorje, tous documentés: Daniel Šetka est un enfant de deux ans et demi paralysé du côté droit. Il ne marche pas, ne parle pas, il est à moitié mort. Ses parents le portent et le présentent à l’apparition en juin 1981 demandant à la Vierge de le guérir. À travers les voyants, la Vierge dit aux parents de prier et d’espérer. L’enfant est guéri. Aujourd’hui, Daniel a presque trente ans, il vit en Allemagne et vient régulièrement à Medjugorje remercier la Vierge pour sa santé. Il avoue avoir un peu de difficulté avec sa main droite.

A. Dumouch : Cela peut être un miracle. Il faut juste vérifier le diagnostic préalable des médecins. Si cet enfant souffrait d’une vraie maladie physiologique et non guérissable, s’il a été guéri définitivement et à la grande surprise des médecins qui déclarent cela impossible de manière naturelle, c’est un miracle. Il faut le dossier médical pour vérifier que Daniel ne souffrait pas d’une simple difficulté qui a passé avec sa croissance.

D. Klanac : L’ex-ministre de la Culture de Croatie, Madame Vokic a des triplés en 1982. L’un d’eux est mort. Il reste une fille et un garçon. Le petit Berislav ne peut pas se retourner dans le lit, il a perdu l’immunité et souffre de bronchite chronique. La maman fait un vœu à la Vierge de Medjugorje. Elle porte son enfant, prie la Vierge dans l’église en juin 1983. Berislav est maintenant étudiant à Zagreb et croit fermement que la Vierge l’a guéri.

A. Dumouch : Même chose: il faut vérifier le dossier médical et le diagnostic des médecins. La maladie doit avoir été reconnue par la médecine et reconnue pour sa gravité. Sa guérison doit avoir été surprenante et liée à la prière à la Vierge de Medjugorje.

[p. 158]D. Klanac : Diana Basile souffre de sclérose en plaques depuis 1972. Le 23 mai 1984, elle assiste à l’apparition à Medjugorje dans son fauteuil roulant. Instantanément elle a été guérie. Le lendemain, elle fait 12 kilomètres à pied de son hôtel à la colline des apparitions pour remercier la Vierge.

A. Dumouch : Voilà au contraire ici un miracle typique et clair. En effet:

1. On a le diagnostic (sclérose en plaques) d’une maladie dégénérative inguérissable.

2. Diana est à Medjugorje.

3. La guérison est instantanée.

Si le dossier médical de Diana existe, on a là le miracle le plus sûr et il suffit à montrer la puissance de Dieu à Medjugorje.

D. Klanac : Colleen Willards souffre d’une tumeur au cerveau. Elle a des douleurs atroces. Elle désire aller à Medjugorje pour expérimenter la présence de Marie en ce lieu, non pour sa guérison. Après la rencontre avec une voyante, elle se rend à l’église. Durant l’Eucharistie, elle entend une voix: « Ma fille abandonne-toi entièrement à Dieu le Père ! » – « Oui, je m’abandonne », a-t-elle dit. À ce moment-là, elle a senti un chatouillement dans ses jambes, elle s’est levée de son fauteuil. Elle est repartie entièrement guérie chez elle aux États-Unis.

A. Dumouch : Même conclusion: voilà un miracle typique et clair. Mais il faut vérifier ceci:

1. A-t-on une radio ou un IRM de la tumeur avant la guérison ?

2. Il semble que la tumeur a disparu instantanément puisque Colleen se lève aussitôt.

3. Si c’est bien le cas, ceci ne peut être le fait de la psychologie ou du démon.

Si c’est le cas, ceci est un miracle indubitable.

[p. 159]D. Klanac : Quels sont, selon vous, ici, les vrais miracles ?

A. Dumouch : Les deux derniers miracles semblent les plus faciles à vérifier.

Selon les critères de Lourdes, ils ne seraient certes pas reconnus puisque la personne ne doit recevoir aucun soin médical. Mais les critères diocésains de Lourdes sont exagérés, d’après l’avis même de l’évêque actuel. Ils vont être bientôt modifiés et rendus plus raisonnables.

Selon les critères canoniques de la béatification des saints, ces deux derniers miracles seraient reconnus après vérification. C’est un miracle de ce type (guérison d’une religieuse atteinte de Parkinson) qui a été retenu pour la béatification de Jean-Paul II.

D. Klanac : Vous dites: « Selon les critères de Lourdes, ils ne seraient certes pas reconnus puisque la personne ne doit recevoir aucun soin médical. » Alors quels sont les miracles reconnus à Lourdes puisque tous les malades reçoivent des soins médicaux avant d’être guéris ? Lorsque les médecins ne peuvent plus rien faire et que le malade est guéri miraculeusement, ne s’agit-il pas là d’un miracle ?

A. Dumouch : C’est justement le problème et la raison pour laquelle, à Lourdes, si peu de miracles (moins de 70) ont été reconnus en 150 ans. En gros ne sont reconnues que des guérisons de maladies en stade terminal (soins curatifs arrêtés, soins palliatifs ; par exemple, Jeanne Frétel et son cancer arrivé au stade terminal). Ou encore de maladies incurables pour lesquelles la médecine ne peut rien faire (sclérose en plaques, Parkinson, SIDA, etc.).

Ces critères sont excessifs.

Un exemple: imaginons une personne atteinte d’un grave cancer métastasé et soumise à une chimiothérapie pour cela. Elle va à Lourdes et se trouve instantanément guérie, comme l’éclair, avec disparition des tumeurs. Ce miracle ne serait pas reconnu à Lourdes car la personne était sous traitement. Ce [p. 160]critère est donc très exagéré. En effet, une chimiothérapie ne fait pas disparaître des tumeurs « comme l’éclair ».

D. Klanac : À travers les miracles dont j’ai lu et entendu les témoignages à Medjugorje, on reconnaît le doigt de Dieu. La paroisse de Medjugorje garde précieusement les dossiers et sait attendre.
Le père Pervan de Medjugorje me dit, cependant, qu’à Fatima on n’a jamais insisté sur les miracles comme à Lourdes.

A. Dumouch : Les miracles ne sont nécessaires que pour une reconnaissance canonique de la vérité de l’apparition. S’il n’y avait pas de miracles, il n’y aurait jamais de reconnaissance officielle par l’Église. En effet, les deux autres critères (conformité à la foi et fruits spirituels) peuvent parfaitement être produits, avec l’aide de Dieu, sans apparition, par une personne douée en théologie et pieuse.

Il arrive parfois qu’une apparition, pourtant authentique, ne soit pas accompagnée de miracles. Cette apparition n’est pas alors reconnue canoniquement. Dieu en fait alors une sorte de parabole de ce que vivra l’Église vers la fin du monde au temps de l’Antéchrist, lorsqu’elle paraîtra comme abandonnée de Lui.

D. Klanac : À Medjugorje, les gens témoignent avoir vu quelque chose de semblable à ce qui s’est produit à Fatima: la danse du soleil. D’autres disent avoir vu la silhouette de la Vierge au pied de la croix du mont Križevac. Dans les premiers mois des apparitions, il y a des personnes saines d’esprit qui racontent avoir vu le mot Mir (paix) inscrit dans le ciel. Que penser de toutes ces manifestations alors qu’il nous a été dit de croire sans avoir vu ?

A. Dumouch : Si ces signes visibles n’ont été vus que par des petits groupes de croyants, ou encore des personnes seules, ils ne pourront être pris en compte comme critère principal par l’Église pour une reconnaissance de Medjugorje. Ils peuvent, dira l’Église, être le fruit d’une auto-conviction, puisqu’ils touchent surtout des croyants ou des personnes isolées.

[p. 161]En effet, ils ne constituent pas un signe grandiose, indubitable et bouleversant pour l’humanité. C’est toute la différence avec le signe du soleil de Fatima qui est vu par cinquante mille personnes dont certaines sont venues pour s’amuser. Une bonne proportion des non-croyants présents se convertissent aussitôt.

Par contre, si Medjugorje est un jour reconnu, en s’appuyant sur les miracles que vous me citiez ou sur un grand signe manifeste que la Vierge annonce, alors les théologiens étudieront ces petits signes du passé et trouveront une grande richesse de sens.

En particulier le mot Mir qui apparaît dans un pays qui va connaître la guerre, et qui permet de réfléchir à la paix, non selon le monde, mais selon Dieu. On fera le parallèle avec l’apparition de Kibého au Rwanda qui, elle aussi, précéda une guerre et même un génocide.

 

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