Comprendre Medjugorje : Regard historique et théologique — Entretien avec le théologien Arnaud Dumouch

L’arbre et ses fruits

Daria Klanac, Comprendre Medjugorje : Regard historique et théologique, avec la collaboration du théologien Arnaud Dumouch, Informativni centar Mir, Medjugorje, en coédition avec les Éditions Sakramento, Paris, 2012, 2e éd. (1re éd. 2008, ISBN 978-2-915380-19-4 & 978-9958-36017-6), entretien avec le théologien Arnaud Dumouch, pages 151 à 154.
English Translation : The tree and its fruits
 

 

[p. 151] 

L’arbre et ses fruits

Daria Klanac : Medjugorje, cette « duperie monumentale » pour les uns ou « le temps de grandes grâces » pour beaucoup d’autres, produit de bons fruits que personne ne nie.

[p. 152]Arnaud Dumouch : Les « bons fruits » (conversions, etc.) sont un bon signe. Mais ils sont insuffisants pour conclure, puisque l’Esprit Saint vient partout où l’homme cherche sincèrement le Christ.

D. Klanac : À Medjugorje, cependant, il y a comme une confusion autour de « l’arbre ». Un bon arbre peut-il produire à la fois de bons et de mauvais fruits ?

A. Dumouch : Oui ! Absolument et c’est même toujours le cas, selon le témoignage de Jésus (Mc 10, 29-30): « En vérité, je vous le dis, nul n’aura laissé maison, frères, sœurs, mère, père, enfants ou champs à cause de moi et à cause de l’Évangile qui ne reçoive le centuple dès maintenant, au temps présent, en maisons, frères, sœurs, mères, enfants et champs, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle. »

Il faut observer avec précision la vie et la prédication de Jésus: il porte des fruits d’amour, de paix auprès des pauvres, et des fruits de confusion, d’agitation, de haine, de mensonge, de ruse, auprès de beaucoup de théologiens et supérieurs religieux, de foules entières. Cette petite scène le montre: « “Moïse ne vous a-t-il pas donné la Loi ? Et aucun de vous ne la pratique, la Loi ! Pourquoi cherchez-vous à me tuer ?” La foule répondit: “Tu as un démon. Qui cherche à te tuer ?” » (Jn 7, 19-20).

Mais attention, ces persécutions et agitations ne sont pas non plus une preuve de la vérité de Medjugorje. Elles sont juste indifférentes au discernement. Car, dans tout ce qui est sur terre, se mêle le bien et le mal, l’ivraie et le bon grain.

D. Klanac : Inversement, le mauvais arbre peut-il produire de bons fruits ?

A. Dumouch : Il le peut un certain temps, mais pas longtemps.

On repère en général assez vite le mauvais arbre aux mauvais fruits qui apparaissent. C’est vrai aussi bien dans le domaine humain de l’amour, que dans le domaine chrétien.

Voici un exemple au plan humain (je prends cet exemple car, [p. 153]par analogie, il éclairera l’aspect chrétien): imaginons un homme qui épouse une femme non parce qu’il l’aime, mais pour son argent. L’arbre qui fonde ses actes est mauvais (l’avarice). Il pourra donner le change quelques mois, peut-être quelques années. Mais je crois impossible que, tôt ou tard, son mensonge n’apparaisse. Il ne pourra singer l’amour alors qu’il n’aime pas, une fois l’argent possédé.

Au plan chrétien: imaginons que les voyants de Medjugorje soient motivés par la gloire ou l’argent. De ce fait, ils seraient toute une bande à pratiquer le mensonge depuis plus de 27 ans, coincés dans un complot impliquant une vingtaine de personnes.

Alors nécessairement (et avec d’autant plus de rapidité que ces enfants auraient commencé jeunes et qu’ils sont nombreux), l’un ou l’autre aurait agi en fonction de cet état de duplicité (escroquerie, bavardage, dénonciation des autres, etc.). Medjugorje aurait tourné à la secte financière. Rien à voir, donc, avec la vie conjugale droite et le travail de ces familles.

Donc, un mauvais arbre (avarice, amour de la gloire et du plaisir égoïste) ne porte de bons fruits que le temps de sa période de séduction, avant de se corrompre.

Au contraire un bon arbre comme le Christ peut produire, à cause de la jalousie des autres, des fruits de division et de haine. Mais le fond est bon, comme l’est un amour persécuté.

D. Klanac : Même si tout n’est pas parfait à Medjugorje, la grâce surabonde. On constate et on reconnaît l’abondance de bons fruits. Comment finalement discerner cette parole de l’Évangile selon laquelle on juge l’arbre à ses fruits ?[33]

A. Dumouch : Par les trois critères dont nous avons déjà parlé: la conformité au dogme, les fruits spirituels, les miracles authentiques et dépassant les lois de la nature.

[p. 154]Tant que ne seront pas donnés les miracles (pas de simples prodiges psy), nul discernement définitif ne pourra être fait. C’est ce critère que donne Jésus à Jean-Baptiste qui s’interroge (Lc 7, 22-23): « … puis il répondit aux envoyés: “Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu: les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres; et heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi !” »

Bref, si vous disposez de miracles authentiques (aveugles de naissance qui voient, cancers guéris instantanément, etc.), vous aurez des critères définitifs. Canoniquement, les critères des miracles ne sont pas aussi sévères que ceux de l’évêché de Tarbes et Lourdes.

 

33. Mt 12, 33. [↩]

 

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