Medjugorje : le témoignage des prêtres

La guérison intérieure dont le prêtre a besoin

Source

4e Retraite internationale des prêtres à Medjugorje, du 30 juin au 6 juillet 1999.

Pages liées

Histoire des apparitions
Position de l’Église
 

 

 
4e Retraite internationale des prêtres à Medjugorje
 
du 30 juin au 6 juillet 1999

2. La guérison intérieure dont le prêtre a besoin
 
Par le Dr Sanchez

Si on attend une guérison, un non-problème, nous sommes dans une impasse.

Existe-t-il un homme guéri ? Pour nous, c’est l’homme ressuscité. Dans la vision chrétienne, la santé n’est pas une vie stable, la guérison n’est pas le passage de la maladie à la santé. Tant que nous cherchons un état stable, tous les excès sont possibles ; de là vient l’acharnement thérapeutique, l’euthanasie. De là aussi vient la pensée dans laquelle la maladie, la vieillesse sont un échec, donc à évacuer à tout prix. Notre vision vient de l’anthropologie chrétienne : nous parlons d’une croissance continue, nous parlons de l’image à la ressemblance, c’est-à-dire que nous parlons de l’homme blessé à l’homme ressuscité.

Tout peut servir à notre guérison, même une épreuve, si elle est vécue dans le Christ. Tout dépend du sens que l’on donne à notre histoire ; d’où l’importance des paroles de guérisons continue.

Comment les guérisons se mettent en place

Dans la vision chrétienne, il y a une interaction entre les différents niveaux de la personne. Il n’est pas question de séparer le psychologique du spirituel, en réservant le psychologique au psychologue et le spirituel au prêtre. Cela a été dramatique pour l’homme, car notre spiritualité est complètement empreinte d’affectivité : notre sensibilité, notre histoire vont influencer notre prière. D’où l’importance de considérer la personne dans son ensemble.

Bien sûr, chaque niveau a ses règles, d’où l’importance de ne pas les confronter, ni les séparer. Donc, la guérison de notre amour, de notre affectivité blessée, relèvera de l’agapè, car l’intelligence peut devenir le lieu de notre blessure la plus grave si elle n’est plus mise au service de l’amour.

Ces guérisons spirituelles vont concerner toutes nos histoires personnelles. Elles seront différentes tout au long de notre vie et changeront selon les âges, car notre évolution n’est pas linéaire, elle est une spirale : sans cesse nous revenons sur des problèmes, puis nous passons à d’autres. Nous grandissons, mais en spirale.

Le prêtre est un homme comme les autres. Il a besoin des mêmes guérisons, avec toutefois quelques différences liées à son ordination. À l’ordination, même s’il reçoit l’onction, la force de l’Esprit Saint, sa nature psychologique ne change pas. Ses blessures, ses tendances, ses défauts restent les mêmes. Ce qui change, c’est la façon de vivre les choses : tout comme le mariage ne donne pas la fidélité, l’ordre ne donne pas les vertus du Christ, mais donne la force, la grâce nouvelle pour y tendre.

Les deux niveaux de guérisons

— le prêtre en tant que ministre

— le prêtre croyant, l’homme de la foi

Premier niveau de guérison : le prêtre en tant que ministre

Comme il est conformé au Christ, ce sera là son lieu de combat de tous les instants. Sainte Catherine de Sienne appelait les prêtres, les « Christs ».

Notre responsabilité est de ressembler de plus en plus au Christ-Prêtre. C’est une transformation de toute la personne qui s’enracine dans la grâce du sacrement de l’ordre. Cette transformation est lente, laborieuse, mais glorieuse. C’est suivre Jésus qui monte à Jérusalem et donne sa vie à Gethsémani, au Calvaire. C’est là que le Christ devient toute offrande.

La première offrande du prêtre se fait à l’Eucharistie ; c’est tout lui-même qu’il offre.

Notre vie sur la terre est une acquisition progressive, par la grâce de l’Esprit Saint, des vertus du Christ manifesté par sa passion. C’est la mortification de notre chair, de notre intelligence ; c’est l’humilité, la douceur, la non-violence de l’amour. C’est ce qui conduit le peuple qui nous est confié à la résurrection. Ce n’est pas ce que nous disons, mais ce que nous sommes qui touchent.

Il y a une règle commune : la réalisation de ce combat, les moyens pour faire face à cette configuration au Christ, c’est d’abord la vie d’oraison. Cette vie d’oraison sera notre principale arme pour notre combat. Aussi, chaque acte sacramentel va devenir une de nos armes. C’est notre façon de célébrer, d’adorer qui deviendra l’arme de notre combat, comme notre intimité avec Marie et les Saints.

Notre identification au Christ est produite par l’effusion de l’Esprit Saint.

Nous devons éclairer tous les événements de notre vie par l’ouverture du cœur, l’accompagnement spirituel (important : il doit être compétent, régulier, fréquent). Plus nous entrons dans notre cheminement spirituel, plus l’accompagnement est important.

Le parcours de guérison intérieure est nécessaire pour relancer notre parcours intérieur.

Il n’y a pas de choix : ou nous nous conformons au Christ ou nous nous conformons au monde ; ou nous sommes attirés par le Christ ou nous le sommes par le monde.

Notre présence au monde sera authentique et profonde, si on est mis à part. Alors, nous pourrons véritablement être proches des gens, nous faire tout à tous. Ce n’est pas le copinage, le désir d’être accepté par les autres, qui va nous rendre proche d’eux.

La vie du prêtre est un combat toujours difficile, parce qu’il y a un enjeu énorme. Cet enjeu, c’est que nous sommes coopérateurs de la Rédemption. Donc il faut se dépouiller de l’esprit du monde pour entrer dans l’obéissance du Christ. Il nous faut lutter contre la chair, contre la volonté propre qui refuse la folie de la croix. Ce combat, le prêtre le vit sous le regard des hommes, d’où le besoin de trouver son identité.

Le prêtre, comme tous les chrétiens, est un déviant social, comme l’a été le Christ. Il est signe de contradiction qui l’emmène au désert. Notre façon d’accepter cette mise à part va soit nous écraser, soit nous déprimer ou être le lieu de la construction d’une identité forte. Si nous acceptons, si nous assumons, alors nous saurons que l’identité se construira dans la confrontation à la différence.

Encore là, il n’y a pas de choix : nous devons faire nôtre cette mise à part pour le Seigneur. Sous le regard des autres, nous sommes confrontés à une attente de sainteté. Le prêtre vit constamment sous les projecteurs ; il est missionnaire par le témoignage de sa sainteté.

Les gens vérifient notre enseignement par ce qu’ils nous voient vivre. Ce regard est un véritable stimulant parce qu’il nous renvoie à l’essentiel de notre vocation. Cela peut être une cause de dépression, d’angoisse ou de détresse pour le prêtre. Mais il faut apprendre à le lire autrement, à le voir comme un signal lumineux qui demande en nous un travail formidable de transformation.

Le premier signe de ce travail en nous, c’est le deuil de notre orgueil spirituel, le deuil de notre volonté d’auto-sanctification. C’est là que nous voyons l’importance d’être accompagné pour discerner entre la tristesse de l’Esprit ou celle de la chair. Ces deux détresses ont le même signe de dépression, mais la signification est profondément différente.

Ce prêtre, dont on attend qu’il soit un saint, nous voulons aussi qu’il soit efficace comme le monde l’attend. Le monde attend que le prêtre soit responsable des âmes et ce sentiment peut ouvrir un sentiment d’échec, de scrupule… D’où l’importance de faire la différence, comme prêtre, entre efficacité et fécondité.

On attend du prêtre qu’il soit un saint ; qu’il soit comme les autres ; qu’il réussisse (dans le sens humain) ; qu’il soit en « or ».

Le prêtre, pour entrer dans la fécondité spirituelle, et non l’efficacité, doit entrer dans un travail de deuil par rapport à la volonté humaine de faire les œuvres de Dieu. C’est un chemin d’abandon pour que ce soit Dieu qui fasse ses œuvres en nous. C’est un passage étroit.

Ce besoin de reconnaissance du prêtre se vit dans un contexte de pleine évolution où la relation est touchée par la sécularisation, où le prêtre entre dans un anonymat, d’où le sentiment de ne plus exister. Non seulement il y a la perte de privilège, mais aussi la dérision. Il est considéré comme un vestige d’une époque révolue. C’est une sèche et saine purification.

Un autre phénomène auquel le prêtre est confronté est celui d’une connaissance générale partagée. Derrière cela se pose le problème de la visibilité. D’où le problème du signe distinctif, avec la préoccupation pastorale d’être le « levain dans la pâte » ; mais parfois, c’est la pâte qui mange le levain.

Alors arrive la compensation, la tentation d’acquérir d’une autre façon que par notre sacerdoce, un statut social en acquérant une profession quelconque. C’est toujours là un désir d’acquérir une identification par une idéologie.

Une autre tentation qui guette les prêtres, c’est d’entrer dans une attente nouvelle qui voudrait faire du prêtre un assistant social ; le limiter au caritatif, à l’humanitaire, et tourner ainsi sa mission d’évangélisation en dérision. D’où le danger de manipulation, danger d’être accusé de prosélytisme. C’est une forme moderne du martyr.

Comment sortir de tout cela ?

Le seul moyen est d’affirmer sa vocation, de se replacer dans sa vocation au cœur de la communauté chrétienne. C’est plus facile de s’affirmer face au monde que face à ses confrères, car il y a une fausse pudeur entre nous. Il faut commencer par aborder ce qui est le centre de nos vies et en faire l’essentiel de nos conversations.

Pour s’affirmer, il faut entrer dans la connaissance de soi, ce qui nous permet de dépasser les jugements et nous enracine dans la certitude de l’amour. Il faut ici prendre le conseil de saint Paul : « Je ne suis pas jugé par personne, ni par moi-même. Dieu me justifie. » Dieu ne me juge pas et me met au-delà du jugement des autres. Je dois découvrir que je suis merveille de Dieu, ce que l’oraison, d’ailleurs, me fera découvrir. En effet, sainte Thérèse nous fait découvrir dans l’oraison la véritable connaissance de soi et de Dieu. Cette double connaissance de moi et de Dieu m’enlève au jugement, m’ouvre au pardon apporté.

Le prêtre qui est artisan du don supérieur de Dieu, le pardon, doit non seulement pardonner au nom de Dieu, mais pardonner lui aussi. Les gens ne croiront au Pardon de Dieu que s’ils voient les prêtres pardonner.

Le besoin de reconnaissance sociale et affective est un point essentiel de l’articulation de la vie du prêtre. Ici nous pouvons affirmer avec force qu’en Marie on reçoit une grâce relative à son affectivité. Celui qui se confie dans le cœur de Marie reçoit la chasteté, non seulement la maîtrise de sa sensualité, mais aussi la grâce de ne plus avoir un cœur partagé entre Dieu et le monde. On est chaste quand notre vie est unifiée dans une vie d’offrande à Dieu, offrande de notre personne et de tous les instants de notre vie.

Soyons concrets. Comment s’organise la solitude du soir ? Quelle lecture ? Quel film à la télévision ? Des choses vont troubler nos sens, nos pensées. Or, le prêtre est particulièrement sensible, fragilisé par son ministère. Son ministère est l’expression de l’amour qui le rend plus vulnérable, plus sensible que celui qui a passé la journée dans la grossièreté. Il y a des cènes banales pour d’autres, mais blessantes pour celui qui a passé la journée à chercher, à donner Dieu. D’où l’importance de la solitude.

Cette attitude est absolument indispensable pour ne pas tomber dans la recherche de compensation, de satisfaction. Une chute n’est pas grave si on s’en sert pour rebondir. Elle nous permet alors une nouvelle ouverture du cœur. Cette chute est le signe d’une certaine immaturité qu’on doit regarder en face pour pouvoir la dépasser. Par exemple : j’ai été confronté à une frustration que je n’ai pas encore assumée. Comme nous sommes sexués, la plus grande frustration, c’est notre chair, d’où le risque d’en faire un tabou isolé. On se l’interdit sans se rendre compte qu’on rentre dans d’autres moyens de compensations, d’autres satisfactions ou des dépendances aux médicaments qui font beaucoup de dégâts. Il faut en être conscient parce que c’est le fait qu’on n’a pas compris pourquoi on n’arrive pas à la gestion de nos sentiments.

Ce n’est pas une faute, un péché d’avoir un sentiment, une réaction physique. Le problème est de savoir quels sont nos attentes, nos objectifs. La juste connaissance de ce qu’il y a dans notre cœur.

La stratégie du démon est de nous faire croire que dans la réaction physique il y a déjà la faute. C’est alors qu’il a gagné.

La connaissance de soi nous permet de trouver la juste attitude de prudence. Si une attitude ou une circonstance nous trouble, prenons nos dispositions pour ne pas nous mettre dans cette situation. Examinons nos comportements, notre façon de toucher, d’être trop proche, de prouver qu’on peut séduire, qu’on est normal. Le prêtre ne peut vivre son ministère dans la peur d’aimer. C’est ce qui nous permet d’être libres, d’être tous à tous.

De là le besoin de formation pour connaître les mécanismes qui relèvent de la relation, parce que le prêtre est essentiellement relationnel. Il est appelé à être en communion, ce qui appelle une maturité afin de ne pas confondre communion avec recherche de relation fusionnelle. La maturité affective développe la capacité d’aimer qui intègre l’affectivité et la sexualité dans le choix du célibat.

Cette approche doit déboucher sur la découverte des qualités humaines indispensables au développement de la personne pour un presbytérat qui soit équilibré. Il faut que s’enracinent les quatre vertus cardinales : la justice, la force, la prudence, la tempérance. Ces vertus trouvent leur lien dans la charité envers le prochain. L’équilibre humain ne peut être dissocié d’une démarche spirituelle dont le seul vrai critère est la capacité du don de soi-même au Christ et à l’Église.

L’équilibre affectif n’est pas l’absence de souffrances, c’est être rendu capable de vivre avec ses pauvretés de manières joyeuses, paisibles et d’en faire des instruments alors qu’ils étaient des obstacles. Que cela devienne des instruments de croissance dans l’amour de Dieu et du prochain.

Il faut revoir la formation : milieu protégé (séminaire), milieu de tous les dangers (le monde).

Les moyens de guérison intérieure montre combien est nécessaire la formation continue. Comme cette retraite, ici, à Medjugorje, ce lieu de guérison fantastique. Cela permet de tous se retrouver, de comprendre que l’on n’est pas seul, perdu, avec ses problèmes, cela permet de parler de nos problèmes communs et de se reprendre dans sa vie de prêtre. C’est un lieu de parole indispensable pour nous qui passons notre vie à écouter. Nous avons besoin de dire notre vécu, car nous sommes appelés à porter des choses très lourdes d’où l’importance d’avoir des lieux où prendre la parole.

Nous sommes des thérapeutes et nous ne pouvons pas être thérapeutes sans supervision. Pour le thérapeute, le superviseur est un moyen pour l’aider à porter les charges des autres sans être détruit. Il en va de même pour nous les prêtres.

Nous avons à découvrir l’aspect paternel du sacerdoce. L’ordination donne au prêtre la grâce de la paternité spirituelle qui va se déployer tout au long de son ministère. Le modèle humain de la paternité est insuffisant. Il faut entrer dans le mystère de ce Dieu-Père avec des entrailles de mère, de ce Dieu du paradoxe, c’est-à-dire fort de sa faiblesse et riche de sa pauvreté. Le prêtre est appelé à devenir le père de la Paternité Dieu.

En hébreu, le même mot désigne la maternité, la miséricorde, l’utérus. Le nom de Dieu est miséricorde.

Lorsque Dieu enfante, c’est la paternité et la maternité qui se rejoignent. Dieu enfante par son regard, il fait exister, grandir par la qualité de ce regard. Je deviens merveille de Dieu en me laissant transformer par ce regard miséricordieux, naïf de Dieu. Ce Dieu étranger au mal ne voit que le bien en chacun de nous. 

Devenir « père » pour un prêtre, c’est, après s’être accaparé ce regard pour lui-même, porter ce regard sur tous ceux qui lui sont confiés. A priori, c’est avoir un regard bienveillant qui ne voit que l’intention bonne.

Il est important de changer le regard que nous portons sur « nos » enfants. Il faut avoir un regard qui s’émerveille, ne juge pas, ne condamne pas.

Le « père » est disponible à toutes les sollicitations. Chacun est digne de l’intérêt du père. Si le père ne l’accueille pas, qui l’accueillera. Celui qui n’a pas de père est un « bâtard ». Il est important plus que jamais aujourd’hui où de nombreux jeunes ont besoin de ce prêtre qui sera père pour lui. C’est là que le jeune va trouver sa véritable identité de jeune.

Le prêtre a besoin de découvrir sa paternité en découvrant sa filialité. Il faut guérir notre paternité en devenant pleinement fils, particulièrement aimé. Le but de Jésus est de révéler l’amour infini du Père, de dire : « Qui m’a vu a vu le Père. » Les fidèles doivent dire de même de leur prêtre. Les fidèles deviennent fils en rencontrant le « fils-prêtre » du Père.

Dans les relations, nous sommes constamment confrontés à des confusions. On veut faire jouer au prêtre des rôles qui ne sont pas les leurs. Nous devons poser des gestes de « père » et non « d’époux ». Lorsqu’on vient nous voir, peu importe dans quelle intention, c’est nous qui allons orienter la relation. Cette orientation est la responsabilité du prêtre et qui dépend de sa maturité humaine et spirituelle. Dans cette orientation de la relation, il faut faire attention au transfert affectif : chercher derrière toute relation, quel est le vrai besoin, la vraie misère, et c’est ce que l’on attend de nous. Si une personne se trompe sur sa demande, il ne faut pas que nous la trompions sur notre réponse (par exemple si une femme tombe en amour avec nous).

La guérison de notre paternité est très importante pour nous positionner face aux demandes qui nous sont faites. La guérison dépend de notre prise de conscience de nos projections sur Dieu, de nos expériences personnelles du père humain qui sont projetées sur Dieu ; d’où dépend l’enseignement faussé sur Dieu. Nous avons à guérir le rôle de l’autorité qui vient de Dieu et qui habite le prêtre. Il faut détecter dans notre volonté tout désir de dominer, tout désir de volonté, de puissance, volonté qui peut infantiliser la personne. Sachons bien comment nous nous situons face aux personnes.

Le « père » fait naître, grandir, donne la liberté, rend à l’autonomie. Il n’a pas de volonté de puissance, il n’est pas le lieu du jugement. Avant tout, il est compassion, miséricorde. Il n’est pas moraliste. Il montre la direction, pas par nécessité, mais par amour. Si je choisis Dieu, ce n’est pas parce que j’ai peur, que je suis dans des contraintes, mais parce qu’il m’aime et je réponds à l’amour. Pour ce faire, j’ai besoin de l’image du père qui me montre le Père. (« Qui me voit, voit le Père », a dit Jésus à Philippe).

Le « père » est celui qui nous libère de la loi, nous introduit dans une autre économie du salut.

Pour compléter sa guérison, il voit sa filiation à Marie. Le plus simplement du monde, elle nous fait devenir fils. À travers l’offrande de son fils sur la croix, elle réalise ce sacerdoce commun des fidèles. Quand elle tient le corps de Jésus, elle peut dire : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang livré pour vous. » Et là, se fait l’union du cœur de Jésus et de Marie entre le cœur de Marie et de Jean (prêtre du cœur), de Marie et l’Église, de Marie et le cœur des prêtres.

La dévotion au cœur de Jésus et Marie doit être au cœur de la spiritualité du prêtre. Le poète français Gabriel-Marie Legouvé, a écrit : « Derrière tout grand homme, il y a une femme. » De même, disons, derrière tout saint prêtre, il y a Marie dans sa volonté d’enfanter. Marie porte Jésus qui nous révèle le Père, donc elle porte les prêtres qui continuent de révéler le Père. Marie est plus accessible parce qu’elle est plus proche. Marie guérit plus facilement notre identité de fils et nous présente au Père : c’est la présentation de tout prêtre au temple, comme elle l’a fait pour Jésus.

Deuxième niveau de guérison : le prêtre croyant, l’homme de foi

Au diaconat, à la remise de la Bible, il est dit : « Vous croirez ce que vous lirez. Enseignez ce que vous croirez, vivez ce que vous enseignerez. »

Il y a une continuité entre la vie, l’enseignement et ce que nous croyons. L’enseignement est reconnu comme vrai que s’il est vécu. L’enseignement correspond à notre vie s’il est porté par ce que nous croyons.

Ce programme de vie reste possible avec la grâce de Dieu.

Tout va bien au début, c’est si facile jusqu’au jour où arrive le grain de sable qui bloque tout. Ce grain de sable, c’est le doute fondamental sur ce que nous annonçons, le jour où nous avons l’impression de jouer la comédie, que ce que nous disons ne nous concerne plus.

Les causes de ce doute sont : l’habitude, la routine, la baisse de ferveur, la sollicitude, l’absence de personnes à qui dire ce que nous portons.

Ces causes se conjuguent progressivement, lentement, à l’oubli des merveilles de Dieu dans nos vies, par une banalisation, par une espèce de contagion du climat de relativité ambiante (être chrétien est une voie parmi d’autres). Aussi par le manque de réussite apparente, par tout ce qui peut remettre en question ce que nous faisons. C’est le doute par l’usure.

D’autres fois, le doute arrive de façon brutale. C’est que quelquefois Dieu prend l’initiative d’enlever la protection parce qu’il y a le désir de nous faire progresser, parce qu’il veut nous faire renoncer à une relation avec lui qui peut être un peu immature, infantile, où il y a eu consolation et prières faciles. Et voilà que tout d’un coup, c’est la sécheresse : Dieu n’est plus sensible. On peut se raidir dans le désir de ce qui était avant et empêcher la croissance spirituelle. La tentation nous guette de vouloir retourner en arrière, de nous révolter, d’être déprimé. Le doute arrive souvent à un âge où il est trop tard pour changer de vocation.

Ce doute permet un travail de purification intérieure qui nous conduit à accepter que ce ne sera plus comme avant, que Dieu nous prend au sérieux, qu’il ne nous abandonne pas, qu’il veut nous conduire plus loin. Cette purification de l’esprit, de l’intelligence peut se faire par petite touche ou durer très longtemps. Cela ne dépend pas de notre initiative, mais de celle de Dieu. Il veut nous emmener, comme Job, à croire même quand nous ne croyons pas ; à la fidélité même quand nous pensons n’en avoir plus besoin.

Cette purification nous emmène à la certitude de Dieu : « Même si tu me détruis, tu ne m’empêcheras pas de croire en toi. » Ce combat de Job durant la nuit a fait qu’il en est ressorti blessé, mais béni.

Pour accompagner ce travail de Dieu, nous n’avons que le moyen de faire mémoire des merveilles de Dieu. C’est ce qui nous sort de l’orgueil et qui nous établit dans l’Action de grâce. C’est la guérison de l’amour gratuit qui passe par la nuit de la foi.

La nécessité de faire mémoire des merveilles de Dieu et de ce que je suis, de ma pauvreté, ce n’est pas contradictoire. Je suis merveille de Dieu, mais blessé. Faire mémoire de ma pauvreté m’ouvre à la miséricorde de Dieu, me délivre de l’illusion de pouvoir m’en sortir par moi-même.

Il y a deux moyens de guérison : (1) la guérison de l’orgueil en faisant mémoire de Dieu. (2) La guérison de l’illusion spirituelle en faisant mémoire de ma pauvreté.

Cette pédagogie est à notre disposition tous les jours :

– avec l’office du Bréviaire

– avec les Laudes : acte de foi par excellence où on reconnaît la bonté de Dieu

– avec l’Office des Lectures qui nous fait entrer dans notre identité

– avec l’Eucharistie qui nous fait entrer dans ce mouvement de filialité à la paternité 

– avec les Vêpres qui est ce temps privilégié d’intercession où l’on fait mémoire de notre pauvreté (en réalisant qu’on ne peut vivre sans Dieu)

– avec les Complies, cette récapitulation dans l’abandon de notre journée.

Ne dites pas les offices, vivez-les en entrant pour chacun dans la pédagogie de Dieu qui s’y trouve. Nous avons là une thérapie au quotidien fantastique.

 

Documents  |  Livres  |  Index thématique  |  Liens externes  |  Contact