Medjugorje : Réponses aux objections — Chapitre II

Le « cas d’Herzégovine » et les apparitions à Medjugorje

Daria Klanac, Medjugorje : réponses aux objections, Le Sarment, Paris, 2012, 2e éd. (1re éd. 2001, ISBN 2-866-79322-6), chapitre ii, pages 29 à 44.

Pages liées

Histoire des apparitions
Père Tomislav Vlašić
 

 

[p. 29] 

CHAPITRE II

Le « cas d’Herzégovine » et les apparitions à Medjugorje

Objection

Lorsque Mgr Žanić prit le gouvernement du diocèse de Mostar, en 1980, il fonda une nouvelle paroisse-cathédrale en subdivisant la paroisse franciscaine de Mostar.

… Les frères cependant ne voulurent pas accepter la division de leur paroisse. Une guerre ouverte éclata. Deux franciscains, desservants de la paroisse franciscaine de Mostar, frère Ivan Prusina et frère Ivica Vego parmi les plus entêtés…, se compromirent à un point tel qu’ils furent frappés des sanctions ecclésiastiques les plus sévères : la suspens a divinis… Ces deux exfrères désobéissants, Prusina et Vego, furent pris sous la protection et la défense de la « Madone » de Medjugorje[9][p. 30]… Marina B…, guide touristique au service de l’agence Atlas, amena dans mon bureau un prêtre du Panama, en août 1989. Il s’appelait Rodriguez Teofile… Le prêtre me demanda les raisons pour lesquelles je ne croyais pas aux « apparitions ». Je lui répondis que j’avais au moins vingt raisons de n’y pas croire, mais qu’une seule suffisait à ceux qui sont sérieux et bien informés dans le domaine de la foi pour en venir à conclure que ces apparitions ne sont pas surnaturelles. Il me pria de bien vouloir lui donner au moins cette seule raison. Je lui racontai alors l’histoire de l’ex-prêtre franciscain, Ivica Vego. À cause de sa désobéissance, et sur un ordre de notre Saint-Père le Pape, il fut chassé de l’Ordre religieux des franciscains (ofm) par son Général, relevé de ses vœux et déclaré suspens divinis… D’après le journal de Vicka et les relations faites par les « voyants », Notre Dame affirme treize fois qu’il est innocent et que l’évêque a tort.[10]

Réponse

Le « cas d’Herzégovine »

Le « cas d’Herzégovine », c’est-à-dire la répartition des paroisses dans le diocèse de Mostar, était en plein essor à l’époque des apparitions. En 1980, l’évêque venait de fonder à Mostar une nouvelle paroisse en divisant le territoire qui appartenait jusque-là aux franciscains. Les [p. 31]fidèles se rangèrent du côté des franciscains. Ils continuèrent de s’adresser à eux pour recevoir les sacrements, la messe et la catéchèse même si, après cette subdivision, ils ne faisaient plus partie de leur paroisse. Certains franciscains répondirent à leurs appels et firent fi de l’autorité. L’histoire de l’Église en Bosnie-Herzégovine depuis six cents ans, montre bien à quel point et pour quelles raisons le peuple était attaché aux franciscains. Lors de cette soudaine coupure, plusieurs jeunes franciscains voulurent assurer aux fidèles une transition en douceur. En vertu de son autorité, Mgr Žanić imposa sa décision.

Parmi ces franciscains « audacieux », deux jeunes chapelains de Mostar, Ivica Vego et Ivan Prusina retinrent l’attention de l’évêque. Malgré tous ses avertissements, ils répondirent aux appels des fidèles (du territoire de la paroisse que l’évêque venait de fonder), administrèrent les sacrements dans les chapelles de cimetières, tout en se considérant injustement attaqués. De son côté, Mgr Žanić n’avait pas l’intention de céder. Voici ce qu’il m’a dit à propos de l’autorité dont il était investi :

Je peux lui (le franciscain Ivica Vego) enlever la juridiction et il doit partir d’ici. D’après le Droit canon je n’ai pas d’explication à lui donner, ni à lui, ni à son provincial, ni à son général. Je ne suis pas obligé, le Droit canon me le permet. Donc la Vierge sait qu’en cela je ne peux me tromper, que je peux l’exclure sans aucune raison. Va-t-en.[11]

[p. 32]Ce légalisme sans l’esprit d’amour aboutit à un conflit sérieux.

Et voilà que près de Mostar, à Medjugorje, la Vierge apparaît. Certes ces apparitions ont surpris tout le monde, chacun réagissant selon son opinion : les franciscains, sceptiques et troublés; l’évêque, prudent mais sympathisant; le peuple, curieux et craintif; les voyants, sûrs de leur vécu; le gouvernement, en état d’alerte.

Après de pénibles interrogatoires avec les voyants[12], le P. Jozo Zovko fut de plus en plus convaincu que les enfants ne mentaient pas et qu’ils n’étaient influencés par personne. Ce fut aussi l’avis de l’évêque après les avoir rencontrés à plusieurs reprises. Or, les autorités politiques menaçaient le P. Jozo d’un côté et, de l’autre, faisaient savoir à l’évêque leur mécontentement pour ces événements survenus à la paroisse de Medjugorje, qui attiraient des foules et risquaient de favoriser le « soulèvement » du peuple. En août 1981, le P. Jozo fut acusé d’avoir mis en danger l’ordre et l’État; il fut condamné à la prison. L’évêque se retira et devint de plus en plus réservé. Il suivit les événements de loin et ne vint que très rarement à Medjugorje.

La Vierge qui apparaissait devait être juste et aider à résoudre au mieux la situation. L’évêque lui-même a d’abord pensé : « Si Dieu envoie la Vierge, c’est peut-être pour aider à régler ce grave problème ».[13] Les franciscains de leur côté pensaient aussi que la Vierge pouvait [p. 33]les protéger d’accusations injustes. Beaucoup de questions furent posée à Gospa qui obtinrent des réponses. Tous les voyants y ont participé plus ou moins, sauf Mirjana qui vivait à Sarajevo. C’est Vicka qui se souciait le plus du sort de ces jeunes chapelains. Il faut rappeler que la paroisse de Medjugorje était desservie par les franciscains depuis toujours et que les fidèles, établis là depuis des générations, n’avaient jamais connu d’autres pasteurs. Ils prirent donc parti en faveur de ces deux jeunes franciscains et eurent recours à Gospa pour trouver un appui. Selon les réponses transmises par les voyants, Gospa aurait été favorable aux franciscains, aux dépens de l’évêque. Dès lors l’évêque trouva là une raison de s’opposer ouvertement à Medjugorje.

Le journal de Vicka

Vicka écrivait son journal. Le P. Tomislav Vlašić notait la chronique des événements. L’Ordinaire de Mostar commença la chasse à ces écrits qui, selon lui, devaient contenir d’autres déclarations à son sujet. Il fut envahi par la suspicion.

J’ai devant moi la copie du journal de Vicka, soit les cahiers numérotés un, deux et trois, et la chronique des apparitions écrite par le P. T. Vlašić. S’il n’y avait eu l’histoire des deux chapelains, le journal de Vicka n’aurait présenté aucun intérêt historique. Étant donné que les deux premiers cahiers n’ont pas été écrits par [p. 34]Vicka elle-même mais par ses sœurs Ana, Mirjana et Zdenka, ils perdent de ce fait toute valeur de référence.

Quoique Vicka parle volontiers, elle écrit peu. La connaissant et considérant les circonstances dans lesquelles elle se trouvait à ce moment-là, je suis convaincue qu’elle ne pouvait pas vraiment se consacrer à écrire un journal. Ses proches ont dû le faire pour elle comme le confirme l’écriture. De son point de vue, c’était comme si c’était elle qui l’avait écrit. Ses sœurs faisaient partie du cercle qui entourait les voyants et suivaient de très près les événements. Si Vicka, qui racontait ses expériences, laissait ses sœurs les écrire, on ne peut lui attribuer ces écrits. Il n’est pas impossible qu’il y ait eu des erreurs de dates et des commentaires ajoutés, etc. Vicka l’expliqua lors des interrogatoires menés par les membres de la Commission d’enquête : « Mais je n’ai pas écrit chaque jour… car ma sœur notait aussi dans ce cahier… Si elle avait une expérience ou quelque chose, et si moi je lui en racontais. Des fois, ensemble dans notre chambre, je lui en racontais, mais pas régulièrement, parfois oui, parfois non. Elle est au courant en général, comme la plupart des gens autour de nous… »[14]

Le premier cahier du journal présente une écriture qui n’est pas celle de Vicka, mais vraisemblablement celle d’une de ses sœurs. Dans ce premier cahier, les événements des deux premiers jours, soit les 25 et 26 juin, sont écrits à la main. Ce qui concerne les jours suivants est écrit à la machine, soit du 21 au 30 juillet 1981, puis [p. 35]du 22 août au 1er octobre 1981, pour se terminer le 6 octobre de cette même année.

Le deuxième journal est écrit dans un cahier ordinaire. Il commence par la période du 12 au 18 octobre 1981. Ce 18 octobre apparaît deux fois et les écritures sont différentes. Le cahier se termine le 14 décembre 1981.

Le troisième journal n’est plus un simple cahier mais il est écrit dans une sorte d’agenda où un espace est prévu pour l’inscription du jour, du mois et de l’année. Le journal commence le 6 février 1982 et se termine le 25 mars de la même année. Vicka écrivit de sa propre main à partir du 9 février 1982. Une quinzaine de pages de ce journal contiennent de petits poèmes, des chants, des supplications et des prières. On ne voit pas de traces indiquant que ces pages auraient pu être effacées puis réécrites. Tout cet agenda aurait-il été recopié d’un seul coup avec l’intention d’omettre certains textes ? Il m’est difficile de croire que Vicka se serait livrée à un tel exercice, même si, en cette saison hivernale, il y avait moins d’effeuillage de tabac et moins de pèlerins, sauf si elle a voulu protéger tout ce qu’elle avait reçu sous le sceau du secret…

À la demande de l’évêque, Vicka lui remit en toute confiance ses trois cahiers. L’évêque lui rendit les deux premiers en lui disant qu’ils ne présentaient pas d’intérêt pour l’enquête, et il garda le troisième où, à plusieurs reprises, il était question de lui. Cependant, l’évêque commença à soupçonner l’existence d’un journal « caché » qui, pensait-il, devait receler beaucoup d’autres commentaires sur son compte.

[p. 36]Quelques membres de la Commission, dont le P. Nikola Bulat[15], Šime Samac et Nikola Dogan, enquêtèrent sur cette affaire. J’ai lu plusieurs fois l’interrogatoire de Vicka, le 11 octobre 1984. J’ai été étonnée de voir le P. Bulat interroger d’une manière tellement irrespectueuse Vicka sur ses notes personnelles les plus intimes. Par contre, le P. Samac montrait plus de respect, de compréhension et de sollicitude : pour lui, il était clair que Vicka, qui tenait un journal avec l’aide de ses sœurs, tentait de leur faire comprendre la distinction entre le journal privé comme tel, et, d’autre part, les cahiers de la vie de la Vierge et les secrets qu’Elle lui avait confiés. Ce sont ces deux derniers qu’en conscience elle ne pouvait aucunement divulguer. Le P. Bulat continua d’insister pour obtenir un pseudo « journal caché », ce qui finit par créer la confusion. Quant au P. Dogan, il resta très discret, se contentant d’une brève question.

Bien que la Commission d’enquête fût tenue à la confidentialité et que le journal de Vicka fut de nature privée, certains membres de la Commission allèrent jusqu’à photocopier et distribuer ces notes personnelles. Il s’agissait là d’une véritable trahison : 1) envers ceux qui leur avaient fait confiance et qui furent ainsi trompés, 2) à l’égard de l’engagement au secret qu’ils étaient tenus de garder, 3) à l’égard des droits de la personne protégés par la Charte des Droits de l’homme. On ne s’attendait pas à ce que la Commission fasse usage de [p. 37]méthodes qui s’apparentaient à celles de la milice communiste…

Vicka réagit vivement à la diffusion de ses écrits personnels livrés à la Commission, comme en témoigne sa lettre du 7 mai 1983, adressée à l’Ordinaire de Mostar :

… Je déclare :

1. que j’ai écrit mon journal privé uniquement pour moi;

2. que personne ne m’a demandé, ni par écrit ni verbalement, l’autorisation de publier quoi que ce soit ou d’utiliser des extraits de ce journal;

3. que je n’ai jamais permis à quiconque de reproduire et répandre les extraits de mon journal. Par la présente, j’avise mon père évêque et je fais savoir au public que tous les textes polycopiés de mon journal, de quelque façon que ce soit, constituent une lourde indiscrétion et une atteinte à mes droits fondamentaux sur mon journal privé. Je proteste contre tous ces abus en demandant votre compréhension et votre protection entière.

Même lorsque Vicka eut remis tous ses cahiers à l’évêque, excepté les secrets et le récit de la vie de la Vierge, elle ne parvint pas à satisfaire ceux qui l’accusaient de cacher, avec la soi-disant complicité du P. Vlašić, les originaux de son journal intime. C’est dans ce contexte qu’elle fut accusée de mentir et de cacher son « original ».

Le 14 décembre 1983, soit un an et demi après le dernier texte du journal de Vicka, le P. Vlašić, en présence de l’évêque, jura sur la Croix qu’il avait enquêté auprès [p. 38]de Vicka sur cette question du « journal caché » et qu’il ignorait l’existence d’un tel journal :

Que le Dieu tout-Puissant, Père, Fils et Saint-Esprit me vienne en aide ! Le journal caché, dont me parle Monseigneur l’évêque, n’a jamais été entre mes mains… Je me suis enquis de la façon la plus sincère auprès de Vicka pour savoir s’il existait et, par cette conversation, je suis arrivé à la certitude qu’un tel journal n’existe pas…

L’évêque, sans preuve, l’a alors accusé de « parjure ».

Ni les pères franciscains, ni Vicka, ni le P. Grafenauer, jésuite, qui avait pris le temps d’interroger Vicka, ne trouvèrent trace du soi-disant « diaire caché » dont parlait l’évêque. Les messages concernant Ivica Vego et Ivan Prusina, en rapport avec l’évêque, avaient été écrits sur des bouts de papier et remis sans résistance à l’évêque par les voyants, à sa demande.

La chasse à ces « diaires cachés » a longtemps persisté et a été fort pénible pour les accusés. Ces cahiers, si « amateurs », ne contenaient que trois messages à propos de l’évêque et non treize ou dix-neuf comme celui-ci l’affirmait : comment expliquer que ces messages aient si démesurément retenu l’attention de la Commission ? On se serait plutôt attendu à ce que les enquêteurs s’attardent davantage à la croissance spirituelle si remarquable de cette paroisse. Le souci pastoral de la Commission n’est pourtant pas allé au-delà.

[p. 39]La chronique des apparitions (P. Vlašić)

De son côté, le P. Vlašić tenait une chronique des apparitions dans laquelle il notait ses observations sur la vie de la paroisse en lien avec les apparitions, les rencontres des voyants avec lui ou avec d’autres, les messages de Gospa que lui transmettaient les voyants, les visites à l’évêque de Mostar et les visites des membres de la Commission à Medjugorje. Il y est fait état également du développement de ses relations avec l’évêque et du conflit entre les chapelains et l’évêque. Cette chronique donne des renseignements intéressants sur les premières années des apparitions.

Le P. Vlašić informait régulièrement l’évêque des événements de Medjugorje. Dégageons de la chronique un des messages touchant l’évêque, ce qui fera mieux comprendre la diversité dans la perception des messages et dans leur mode de transmission, en fonction de la personnalité de chacun des voyants.

À la page 43 de la chronique, datée du 3 janvier 1982, il est écrit :

Les enfants ont eu l’apparition. Le plus important semble être ce qui plus tard préoccupera surtout l’évêque, c’est-à-dire, pour vérifier la véracité de la réponse de Gospa du 19 décembre 1981 au sujet du chapelain, j’ai prié les voyants de poser à nouveau cette question.

À la même page de la chronique, on lit deux réponses à la même question posée à Gospa et transcrites par deux des voyants.

Première réponse :

[p. 40]Nous avons interrogé Gospa à propos d’Ivica Vego, tous ensemble, dimanche : « Ivica n’est fautif en rien. S’il est exclu des franciscains, qu’il reste courageux et fier. Chaque jour je répète “Paix, paix” mais il y a de plus en plus de troubles. Qu’il reste. Il n’est fautif en rien. » Comme ça nous avons entendu trois fois et nous le lui avons transmis. L’évêque met le désordre, c’est pourquoi il est fautif. Il ne sera pas toujours l’évêque. Je montrerai la justice dans le royaume. Cela a duré dix minutes, tout sur Ivica. Le reste, je vais l’écrire là où j’ai arrêté, car je ne sais pas où j’en suis rendue.

On voit ici que cette voyante écrit un certain temps après les événements mais avec des sentiments de grande injustice envers ce jeune chapelain.

Deuxième réponse :

Notre Mère fait dire au cher évêque qu’il s’est précipité dans sa décision, il faut qu’il réfléchisse encore une fois et qu’il écoute les deux côtés. Elle le prie d’être juste et patient. Elle, la douce Mère, pense que ces deux serviteurs ne sont pas fautifs.

Des détails transmis dans la première réponse n’apparaissent pas dans la seconde, ce qui suggère fortement une part de libre interprétation dans les paroles rapportées. Voici d’ailleurs à ce propos une observation du P. Vlašić en page 40 de sa chronique :

Ici, il est évident que les enfants ne transmettent pas mot à mot les réponses reçues mais qu’ils le font dans leurs propres termes, y mettant quelquefois leur mot qui donne à la réponse un autre ton. C’est pourquoi, il faut vraiment se rendre compte qu’il s’agit d’enfants, avec leurs manques [p. 41]dans la mémoire, dans la façon de s’exprimer et dans le comportement.

Ce n’est pas un phénomène humain nouveau, même les écrits des plus grands saints n’en sont pas toujours exempts. C’est pourquoi la pratique du discernement des esprits permet toujours de faire la part des choses.

Il est important de citer aussi les messages dans lesquels la Vierge demande la Paix, la réconciliation, la prière. On ne peut retenir les uns sans les autres.

Le 29 août 1982, la chronique note :

Tous les voyants, sauf Mirjana, en visite avec ses parents à Sarajevo, se sont retrouvés ensemble. Ils ont eu l’apparition. Parmi les questions et les réponses nous soulignons une question que nous, les prêtres, nous leur avons posée : « L’évêque et les prêtres disent que tu n’as pas donné un message clair aux prêtres en Herzégovine. Ils disent que tes apparitions ont apporté de la division. Nous te prions ce soir, dis un message concret pour l’évêque d’Herzégovine et pour les prêtres afin qu’ils s’unissent. — Je n’ai pas désiré votre division. Au contraire, je souhaite l’union car vous savez tous que je suis la Reine de la Paix. Vous voulez un message concret. Je suis Mère, Mère qui vient du peuple, et je ne peux rien faire sans l’aide de Dieu. Je dois prier comme vous. C’est pourquoi je peux vous dire seulement : priez, jeûnez, faites pénitence, aidez les faibles. Je regrette que ma réponse précédente n’ait pu vous satisfaire. Peut-être ne désirez-vous pas la comprendre ?

Avec l’arrivée à Medjugorje, en janvier 1983, du P. R. Grafenauer, jésuite slovène, docteur en discernement des esprits, le fossé se creuse entre l’Ordinaire et le phénomène [p. 42]des apparitions. Le P. Grafenauer s’est d’abord rendu à Mostar. En tant que membre de la Commission élargie chargée d’enquêter sur Medjugorje, il analysa les événements pertinents les plus récents et le différend à propos des deux chapelains. Il fut très sceptique et même négatif à l’égard des apparitions. Il s’est ensuite rendu à Medjugorje pour examiner les voyants sur le terrain. Il les a exorcisés, leur a donné de l’eau bénite pour asperger la Vierge. Il a échangé avec les chapelains Ivica et Ivan, puis le P. Vlašić et lui ont décidé de jeûner au pain et à l’eau, car le discernement des esprits, comme le lui rappelait le P. Vlašić, ne se fait pas sur une base juridique mais spirituelle. Enfin, il en est arrivé à la conclusion que Dieu était là à l’œuvre, et que le message était adressé à l’Église et au monde entier en faveur de la paix et de la réconciliation.

Voici les extraits les plus importants de la lettre qu’il a fait parvenir, dix ans plus tard, au cardinal Kuharić, avec copies conformes à Mgr Komarica, de Banja Luka, à Mgr Srakić, de Djakovo, et à Mgr Žanić, de Mostar :

Cher Père cardinal. Je crains que le jugement de la Conférence épiscopale de Yougoslavie sur les événements à Medjugorje n’ait pas été fondé sur le discernement des esprits. Voici quelques faiblesses dans le discernement des messages de Medjugorje. La Conférence épiscopale de Yougoslavie n’a pas séparé dans les déclarations des voyants le grain de son écorce. Elle n’a pas distingué entre ce qu’on pouvait et ce qu’on ne pouvait pas attribuer à Gospa. En février 1983, j’ai averti par écrit l’évêque Žanić sur la préoccupation exagérée de Vicka à l’égard des chapelains Vego et Prusina. Je lui ai rappelé que la Vierge avait mis Vicka [p. 43]en garde contre ce défaut, ce que Vicka a reconnu… Les messages que Marija a reçus tous les jeudis, de 1984 à 1987, puis chaque 25 du mois, sont différents. Ces messages sont en accord avec le regard de la foi. Pour cela, nous pouvons les attribuer à l’Église, à Dieu, à Notre Dame, et les évaluer sur le plan surnaturel. J’ai prié l’évêque Komarica (président de la Commission d’enquête de l’époque sur Medjugorje) d’être prudent sur les déclarations de l’évêque Žanić… Si l’évêque Žanić ne veut pas corriger discrètement ces injustices, j’ai demandé à l’évêque Komarica de faire suivre ma requête jusqu’en haut lieu, à Rome. Je considère cela indispensable. L’évêque Žanić a été au sein de la Commission épiscopale de Yougoslavie un véritable Advocatus diaboli. Il a accusé les voyants de Medjugorje et les franciscains de mensonge, de parjure et d’autres péchés, comme « l’accusateur de nos frères, celui qui les accusait jour et nuit devant notre Dieu » (Ap 12, 10). L’Église devrait vérifier de telles accusations.[16]

Récemment, j’ai demandé à Vicka ses réflexions sur cette période si pénible pour elle. Elle m’a dit que tout ce qu’elle pouvait faire maintenant, c’était de prier, d’implorer l’Esprit Saint pour tous ceux qui enquêtent ou mènent des recherches. Quant à Ivan, à la même question il m’a répondu qu’il faisait l’expérience de la Vierge comme d’une mère pleine de bonté, et que ses messages étaient toujours en harmonie avec cet esprit. Il est possible cependant, a dit Ivan, que nous ne puissions pas toujours bien comprendre, ou accepter les messages, [p. 44]ou même que nous puissions leur donner une interprétation différente. Nous sommes tous imparfaits, a conclu Ivan.

Le destin du chapelain Ivica Vego, persécuté par l’évêque, a abouti à un mariage. Il vit et travaille en Italie; il est devenu père d’une famille nombreuse. L’autre chapelain, le P. Ivan Prusina, est resté à la disposition de sa communauté franciscaine jusqu’à la fin du procès. Il exerce maintenant le ministère dans une mission catholique croate en Allemagne. L’appel des deux chapelains a été entendu à Rome et le jugement rendu les a libérés des suspenses émises par l’évêque de Mostar.[17]

Cependant, toutes ces conséquences auraient pu être évitées si l’entente entre le provincial des franciscains, le P. Jozo Pejić, et l’évêque de Mostar, Mgr Žanić, avait été respectée sur deux points importants :

1. Chaque fidèle peut aller à l’église de son choix.

2. À propos de l’administration des sacrements, baptêmes, mariages, enterrements, les désirs justifiés des fidèles peuvent être pris en considération.[18]

Le tribunal apostolique a relevé les deux chapelains des sanctions dont ils avaient été injustement frappés, et on comprend mieux la compassion de Gospa, la Mère de l’Église, dans son appel à tous à la réconciliation.

 

9. Mgr Pavao Žanić, La Position actuelle — non officielle — du Conseil épiscopal de Mostar au sujet des événements de Medjugorje, Mostar, 1984, p. 16, § 7. [↩]

10. Mgr Pavao Žanić, La Vérité sur Medjugorje, Mostar, 1990, §2. [↩]

11. Entretiens entre Pavao Žanić et Daria Klanac, enregistrés le 14 octobre 1986, à Mostar. [↩]

12. Transcription des audiocassettes, Aux sources de Medjugorje, pp. 67 à 192. [↩]

13. Entretiens entre Pavao Žanić et Daria Klanac, enregistrés le 14 octobre 1986, Mostar. [↩]

14. Entretien des membres de la Commission épiscopale (Šime Samac, Nikola Dogan et Nikola Bulat) avec Vicka, 11 octobre 1984. [↩]

15. Le P. Bulat est connu pour avoir piqué Vicka au moyen d’une aiguille, au cours d’une apparition, en guise d’expertise. [↩]

16. Lettre ouverte de R. Grafenauer au cardinal Kuharić, Maribor, 16 juillet 1991. [↩]

17. Document Sententia definitiva, 1988, en provenance du Vatican, envoyé à Ivan Prusina, ofm. [↩]

18. Gospa iz Medjugorje, Vjesnik, 1989. [↩]

 

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