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Enseignement des cardinaux Christoph Schönborn et Jean-Marie Lustiger à Paris (2004)

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IIe Congrès International pour la Nouvelle Évangélisation « Paris Toussaint 2004 », organisée du 23 octobre au 1er novembre à l’initiative des cardinaux Jean-Marie Lustiger,Christoph Schönborn, Godfried Danneels, José da Cruz Policarpo.

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Position de l’Église
Cardinal Christoph Schönborn
 

 

IIe Congrès International pour la Nouvelle Évangélisation à Paris

Réponses des cardinaux Christoph Schönborn et Jean-Marie Lustiger aux questions du public

[durée : 9 minutes]

 

Premier intervenant — Nous sommes en train d’évoquer cette formation profonde capable de s’adapter à tous les changements qui l’attendent dans le ministère du prêtre et vous exprimiez qu’elle se fait dans la confiance, la confiance au Christ, la confiance à l’Église et à ses maîtres. La confiance au Christ ne fait pas forcément de difficulté, en revanche il peut arriver que la confiance en l’Église nourrisse quelques questions et notamment la suivante.
 

Second intervenant — Il existe des lieux d’expérience spirituelle forte qui ne sont pas reconnus par l’Église. Certaines personnes reviennent de ces lieux avec un amour très fort de l’Eucharistie, de l’Église, de la Vierge Marie et avec souvent un désir très fort de se donner dans l’Église. Alors, on peut prendre comme exemple un groupe d’Autriche, Loretto[1], on peut prendre un groupe tel qu’Abba[2] (Paris). Puis autre chose aussi intéressante, c’est que certaines personnes reviennent avec un désir de vocation sacerdotale. On constate qu’il peut y avoir une certaine méfiance vis-à-vis de ces lieux. La question qui est posée est celle-ci : comment intégrer ces personnes dans l’Église, dont certaines ont un désir de vocation sacerdotale et qui ont du mal à trouver leur place ?
 

Cardinal Christoph Schönborn — Je pense que vous parlez de Medjugorje. [Rires du public et applaudissements.] Et bien, je dis une chose très simple que j’ai dite souvent en Autriche : c’est vrai que bon nombre de vocations sacerdotales en Autriche sont passées par Medjugorje. Il n’y a aucun doute de cela. Quelle est la position du Magistère de l’Église par rapport à Medjugorje ? Elle est inchangée depuis les premières prises de position de la Conférence épiscopale de Yougoslavie (à l’époque). Et la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dont je suis membre, a confirmé cela autant que je sache à deux reprises par des lettres du secrétaire de la Congrégation. La formule utilisée par les évêques de Yougoslavie à l’époque était non constat de supernaturalitate.

Pour ceux qui ne savent pas encore assez de latin [rires du public], il y a trois formules :
Constat de supernaturalitate : cela vaut par exemple pour Lourdes ou pour Fatima. Il est affirmé que c’est surnaturel.

— Constat de non supernaturalitate : il est affirmé que cela n’est pas surnaturel.

— Non constat de supernaturalitate est la troisième formule qui est utilisée par le Magistère de l’Église et qui est toujours en vigueur : ce n’est pas affirmé que cela est surnaturel. Ce n’est pas exclu, ni affirmé : non constat. Ce n’est pas une négation de la surnaturalité, ce n’est pas une affirmation de la surnaturalité.

Alors qu’elle en est la conclusion ? Elle est double, et le Magistère de l’Église l’a par deux fois reconfirmée (Rome, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi).

Premièrement, il n’est pas permis de faire des pèlerinages officiels à Medjugorje. Officiel, c’est-à-dire vous ne pouvez pas faire un pèlerinage diocésain à Medjugorje. Cela implique qu’il n’est pas interdit de faire des pèlerinages à Medjugorje, mais pas des pèlerinages officiels.

Deuxièmement, il est demandé explicitement l’accompagnement pastoral de ceux qui se rendent à Medjugorje.

Ces deux affirmations ont été encore, il y a deux ou trois ans, reconfirmées par Mgr Bertone, le secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi à l’époque, et je pense que cela est une position très claire. Donc, n’essayons pas de tirer d’un côté ou de l’autre, gardons cette sobriété du Magistère de l’Église par rapport à ce phénomène, dont le jugement définitif de l’Église ne sera certainement pas donné avant que ne cesse les, disons, les « phénomènes ». Parce que l’Église ne donnera certainement pas un « chèque en blanc » sur des révélations privées éventuellement à venir.
 

Second intervenant — Alors, la question concerne aussi l’intégration de ces personnes dans l’Églsie. Comment justement…
 

Cardinal Christoph Schönborn — Bien, je ne sais pas. Nos séminaristes en Autriche qui ont reçu une grâce soit de conversion, soit d’approfondissement de leur prière, une grâce d’approfondissement de leur vocation, et bien ils rentrent au séminaire tout normalement, ils n’ont pas un privilège « medjugorien » par rapport aux autres, ils doivent se soumettre à la vie du séminaire comme tout le monde. Et bien voilà, c’est tout. C’est très simple.
 

Cardinal Jean-Marie Lustiger — Une règle de discernement spirituel, de croissance spirituelle dans tout cela. Chaque itinéraire de conversion est toujours singulier. Il y a toujours un site originel. L’authenticité de la conversion initiale se juge aussi sur l’authenticité du chemin que cette conversion ouvre, se juge à ses fruits. Si le site originel veut conserver, enferme ceux qui ont été ainsi nés à Dieu, cela prouve qu’il y a quelque chose qui n’est pas droit, qui n’est pas juste dans ce site lui-même ou dans l’attitude de celui qui a reçu cette grâce.

On pourrait dire la même chose en France à beaucoup d’autres endroits. Par exemple, les Foyers de Charité ont été (je prends une charismatique comme Marthe Robin, dont peut-être, peut-être, un jour la béatification sera prononcée), et bien, elle n’a pas gardé les gens pour les Foyers de Charité, pour son Foyer de Charité. L’expérience consiste à ouvrir les gens à la volonté de Dieu et à la grâce de Dieu.

Alors, il y a toujours un élément de croissance dans une vocation. Il faut toujours s’arracher au lieu de la naissance pour avancer et ne pas s’accrocher, j’allais dire narcissiquement ou bien régressivement, au premier pas initial. Il faut accepter d’aller de l’avant. Même à Élie, à l’Horeb, l’ange dit Que fais-tu là Élie ? Que fais-tu là ? Aller, retourne chez toi.[3] Si même l’Horeb, Élie a dû le quitter, je ne vois pas pourquoi on ne quitterait pas Medjugorje. Je dis les choses comme ça, c’est une question de santé spirituelle et un critère d’authenticité. Alors, il faut respecter la grâce donnée, mais aider ceux qui en sont les privilégiés à avancer dans la logique de ce qu’ils ont reçu. C’est-à-dire à grandir.
 

 

1. Loretto Gemeinschaft : www.loretto.at. [↩]

2. Groupe de prière Abba : www.groupeabba.org. [↩]

3. Premier livre des Rois, chapitre 19 : 5Il se coucha et s’endormit sous un genêt. Mais voici qu’un ange le toucha et lui dit : « Lève-toi et mange. » 6Il regarda et voici qu’il y avait à son chevet une galette cuite sur les pierres chauffées et une gourde d’eau. Il mangea et but, puis il se recoucha. 7Mais l’ange de Yahvé revint une seconde fois, le toucha et dit : « Lève-toi et mange, autrement le chemin sera trop long pour toi. » 8Il se leva, mangea et but, puis soutenu par cette nourriture il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne de Dieu, l’Horeb. 9Là, il entra dans la grotte et il y resta pour la nuit. Voici que la parole de Yahvé lui fut adressée, lui disant : « Que fais-tu ici, Élie ? » 10Il répondit : « Je suis rempli d’un zèle jaloux pour Yahvé Sabaot, parce que les Israélites ont abandonné ton alliance, qu’ils ont abattu tes autels et tué tes prophètes par l’épée. Je suis resté moi seul et ils cherchent à m’enlever la vie. » 11Il lui fut dit : « Sors et tiens-toi dans la montagne devant Yahvé. » Et voici que Yahvé passa. Il y eut un grand ouragan, si fort qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers, en avant de Yahvé, mais Yahvé n’était pas dans l’ouragan; et après l’ouragan un tremblement de terre, mais Yahvé n’était pas dans le tremblement de terre; 12et après le tremblement de terre un feu, mais Yahvé n’était pas dans le feu; et après le feu, le bruit d’une brise légère. 13Dès qu’Élie l’entendit, il se voila le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de la grotte. Alors une voix lui parvint, qui dit : « Que fais-tu ici, Élie ? » 14Il répondit : « Je suis rempli d’un zèle jaloux pour Yahvé Sabaot, parce que les Israélites ont abandonné ton alliance, qu’ils ont abattu tes autels et tué tes prophètes par l’épée. Je suis resté moi seul, et ils cherchent à m’enlever la vie. » 15Yahvé lui dit : « Va, retourne par le même chemin, vers le désert de Damas. Tu iras oindre Hazaël comme roi d’Aram. 16Tu oindras Jéhu fils de Nimshi comme roi d’Israël, et tu oindras Élisée fils de Shaphat, d’Abel-Mehola, comme prophète à ta place. 17Celui qui échappera à l’épée de Hazaël, Jéhu le fera mourir, et celui qui échappera à l’épée de Jéhu, Élisée le fera mourir. 18Mais j’épargnerai en Israël sept milliers, tous les genoux qui n’ont pas plié devant Baal et toutes les bouches qui ne l’ont pas baisé. » [↩]

 

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